1979, l’année qui a changé le monde
Publié le 9 novembre 2016. Par La rédaction de Books.

L’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis est perçue dans le monde entier comme un moment de basculement de l’histoire du monde et de la démocratie, tout comme l’avaient été le 11-Septembre et la chute du Mur du Berlin (il y a exactement 27 ans). Mais d’autres tournants, au moins aussi importants, ont davantage de peine à apparaître comme tels dans notre imaginaire. Le meilleur exemple en est l’année 1979, à laquelle le journaliste Christian Caryl essaie de rendre sa juste place dans Strange Rebels. Car c’est précisément cette année-là que se mettent en place tous les éléments de l’ère dans laquelle nous vivons. En 1979, Margaret Thatcher devient Premier ministre ; Deng Xiaoping lance ses réformes économiques ; l’ayatollah Khomeini instaure la République Islamique ; Jean-Paul II, fraîchement élu, fait un voyage historique en Pologne ; et les Soviétiques envahissent l’Afghanistan pour venir à bout de la rébellion anticommuniste.
Ces événements sont indépendants les uns des autres, et Caryl n’essaie pas d’établir des liens. Mais, ensemble, ils annoncent des temps nouveaux, ceux de la revanche du marché et de la religion. Le capitalisme, concurrencé depuis des années par le communisme, retrouve alors un élan décisif. Thatcher est élue sur un programme ultra-libéral de privatisations et d’affaiblissement du pouvoir syndical. Deng abandonne l’agriculture collectiviste et crée des Zones économiques spéciales où les entreprises échappent au contrôle direct de l’Etat. Parallèlement, alors que la sécularisation semblait la pente naturelle de l’histoire, la religion redevient un phénomène politique majeur. La Révolution islamique en témoigne ; tout comme l’atteste, dans un autre registre, le rôle du christianisme dans les bouleversements politiques qui vont bientôt ébranler l’Europe de l’Est.
Aucun expert n’avait anticipé ces transformations, rappelle Caryl. Et elles étaient d’autant plus difficiles à imaginer que, cinq ans plus tôt encore, les principaux acteurs étaient dans l’ombre. En 1974, Khomeini vivait en exil en Irak ; Thatcher, ministre, n’était appréciée ni par les électeurs ni par son propre camp ; le futur Jean-Paul II, archevêque de Cracovie, n’avait quasiment aucune chance de devenir le premier pape non italien depuis 1522 ; et Deng vivait dans un atelier de réparation de tracteurs, pour échapper aux gardes rouges.