Publié dans le magazine Books n° 16, octobre 2010. Par Jeffrey Rosen.
Les réseaux sociaux aidant, nos faits et gestes les plus anodins ou ce que les autres disent
de nous sont désormais gravés dans le marbre de la mémoire numérique collective. Il est
de plus en plus facile d’exhumer des détails compromettants, vrais ou faux, bien ou mal interprétés, sur un candidat à une embauche ou une personne qu’on cherche à discréditer. Le droit à l’oubli est devenu l’enjeu d’une sourde bataille technologique et sociétale.
Il y a quatre ans, Stacy Snyder, 25 ans, enseignante stagiaire à la Conestoga Valley High School de Lancaster (Pennsylvanie), a posté sur sa page MySpace une photo d’elle portant un chapeau de pirate, un gobelet à la main, légendée « Pirate ivre ». Ayant découvert ladite page, son superviseur lui a expliqué que l’image témoignait d’un « manque de professionnalisme », et la doyenne de la School of Education de l’université de Millersville où Snyder était inscrite a jugé que c’était pour ses élèves mineurs une incitation virtuelle à la consommation d’alcool. Quelques jours avant la date prévue, l’université a refusé de lui délivrer son diplôme d’enseignante. La jeune femme a poursuivi l’université en justice, l’accusant d’avoir violé le Premier Amendement en la pénalisant pour son comportement (parfaitement légal) en dehors des heures de travail (1). Mais en 2008, un juge fédéral de district a rejeté sa demande, au motif que, si Snyder était bien une employée du service public, sa photo ne se rapportait à aucun sujet d’intérêt public et que son « Pirate ivre » ne relevait donc pas du discours protégé.
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