Les meilleures ventes en Israël – Des racines et des ailes

Amoureux des livres, un public israélien très curieux du monde se passionne résolument pour les romans étrangers. Mais il plébiscite aussi la littérature hébraïque d’hier et d’aujourd’hui, qui met en scène un quotidien ne se résumant pas à la guerre.

1 Victoria Hislop, ’Houtim mékacherim (L’île des oubliés), Yédioth Séfarim 
2 Jonathan Franzen, ’Hérout (Freedom), Am Obed
3 Mishka Ben David, Ta’hanat Sofit, Algier (« Terminus Alger »), Yédioth Séfarim
4 David Vogel, Roman vinnaï (« Romance viennoise »), Am Oved
5 Amos Oz, Beïn ’havérim (« Entre camarades »), Kéter
6 Herman Koch , Baït kaits im brékha (« Maison d’été avec piscine »), Kéter
7 Alona Kimhi, Victor vé Masha (« Victor et Masha »), Kéter
8 Howard Jacobson, Ma zé Finkler (La question Finkler), Kéter
9 John Williams, Stoner, Yédiot Séfarim
10 Orly Krauss-Vainer, Méouchéret bédarka (« Heureuse à sa manière »), Kéter
Haaretz, 30 mai 2012.

Publiée dans le quotidien Haaretz, la liste des meilleures ventes dans les librairies indépendantes d’Israël reflète de manière assez emblématique la vie littéraire du pays. Les auteurs étrangers sont régulièrement et abondamment traduits en hébreu. Et, si les écrivains anglophones sont les mieux représentés ici (Victoria Hilsop, Jonathan Franzen, Howard Jacobson ou encore John Williams), il n’empêche que les auteurs scandinaves, indiens, japonais, voire français (Houellebecq en tête) sont régulièrement des succès de librairie.

La présence de David Vogel dans ce classement est également caractéristique : les Israéliens redécouvrent depuis quelque temps avec enthousiasme la littérature hébraïque d’avant la création de l’État. Né en Russie à la fin du XIXe siècle, cet écrivain qui a séjourné à Berlin et à Paris est mort en déportation. Sa « Romance viennoise » (un inédit découvert par hasard) décrit l’atmosphère décadente et la sexualité débridée de la capitale de l’Empire austro-hongrois  finissant, la vie exubérante qu’y mènent les nouveaux riches  et l’existence précaire des réfugiés juifs. Le récit est écrit dans un hébreu encore compassé, typique du style un peu archaïque qui précédait la libération de la langue consécutive à la création de l’État.
Symbole, à l’inverse, de la littérature israélienne, Amos Oz s’impose en quelque sorte de lui-même : le célèbre écrivain revient une fois encore sur ses années de formation au kibboutz et porte un regard mélancolique sur cette entreprise prométhéenne de réforme de l’homme qui jette, aujourd’hui, ses derniers feux.

Et si « Terminus Alger » appartient au registre des thrillers en vogue ces dernières années, Alona Kimhi, « étoile montante » désormais confirmée, revient dans « Victor et Masha » sur les difficultés d’intégration des immigrés russes. Quant à « Heureuse à sa manière », d’Orly Krauss-Vainer, il s’agit d’une de ces sagas familiales, entre Moscou, Boukhara et Tel-Aviv, dont le grand public raffole tant.

Au total, la liste publiée par Haaretz brosse un portrait plutôt fidèle d’un lectorat israélien avide, en reflétant son appétit pour la production universelle autant que les aléas d’un quotidien qui ne se résume pas à la guerre.

Jean-Luc Allouche

Ancien journaliste et rédacteur en chef à Libération, Jean-Luc Allouche est écrivain et traducteur. Il a récemment publié Les Jours redoutables. Israël-Palestine : la paix dans mille ans, chez Denoël.

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