Le mythe du peuple le plus méchant
Publié le 13 novembre 2015. Par La rédaction de Books.
Ils volent, abandonnent leurs enfants, envoient leurs vieux mourir au loin en les privant de provisions ; ils ne conçoivent ni loi, ni solidarité, ni amour, ils se barricadent dans leurs forteresses de branchages. Les Iks, une tribu du nord de l’Ouganda, seraient le peuple le plus mauvais du monde. Tel était, du moins, l’avis de l’anthropologue anglo-américain Colin Turnbull, qui les a étudiés dans les années 1960. Dans l’ouvrage qu’il leur consacre, Un Peuple de fauves, le chercheur ne propose rien moins que de disséminer la tribu, l’estimant sans avenir en tant que société.
Turnbull ne fut pas, il est vrai, très bien accueilli par les Iks. Ceux-ci vivaient au même moment une terrible famine. Les deux années qu’il a passées sur place, Turnbull les a vécues claquemuré dans sa case ou sa voiture. Il se faisait insulter, on lui volait sa nourriture et ses voisins ne se privaient pas de déféquer chez lui. Faute de traducteur fiable, il avait toutes les peines du monde à communiquer avec ses hôtes. D’où des malentendus et incompréhensions en série. Turnbull a pris en grippe les Iks, qui le lui ont bien rendu : ils le menacèrent, s’il revenait, de l’enterrer « tout vif ».
A sa parution, l’ouvrage de Turnbull fut aussi encensé que méprisé. Certains le félicitèrent d’avoir réussi à démontrer que ce n’est pas la société qui pervertit l’homme, mais des conditions de vie trop dures. D’autres relevèrent ses très nombreuses erreurs. Turnbull n’a semble-t-il pas su déceler la subtilité de l’organisation sociale des Iks. Débarquant dans la tribu encore « sous le charme » des pygmées Mbutis de la forêt, il aurait fait preuve d’un a priori négatif dont il ne s’est jamais départi
En savoir plus : Le pire de tous les peuples, Books, janvier 2015.