1936, la victoire du contrat de travail
Publié le 7 juin 2016. Par La rédaction de Books.

Quatre-vingts ans après la signature des accords de Matignon, l’esprit du Front Populaire souffle-t-il sur les opposants à la Loi Travail, sur les grévistes du printemps 2016 ? Au-delà de la semaine de quarante heures, des augmentations de salaires ou de la représentation collective, le mouvement social de 1936 a d’abord signé la fin du « patronat de droit divin », souligne l’historien Antoine Prost dans Autour du Front populaire.
L’occupation des usines remet alors en cause la nature même du lien entre patrons et ouvriers. Ces derniers ne voient plus l’entreprise comme une grande famille, une « maison » où le patron est seul maître, les employés étant ses obligés sous prétexte qu’il les fait vivre. Les salariés se mobilisent contre le lien personnel traditionnel entre l’entrepreneur et « ses » ouvriers. Il n’est plus question d’une relation entre « bienfaiteur » et « serviteurs », mais d’une relation de production où l’on s’engage à effectuer un travail déterminé en échange d’un salaire déterminé, dans un cadre collectif qui protège de l’arbitraire des grands et petits chefs. Le contrat de travail négocié entre syndicats et patronat, et non entre chaque salarié et son employeur, est l’instrument de ce changement. Ce n’est pas un hasard si les conventions collectives, instituées en 1919, ne se généralisent vraiment qu’au moment du Front Populaire.
Dans les petites et moyennes entreprises, ce changement de perspective a du mal à passer. Les patrons n’entendent pas remettre en cause la façon dont ils remplissent leur rôle. Il en va de leur image, vis-à-vis de la société et d’eux-mêmes. La discussion est parfois impossible. Le patron de la Samaritaine accepte ainsi de recevoir une délégation de salariés, mais lui expose ses propres sacrifices, parle d’ingratitude et explose de colère. Un patron bourguignon, lui, évoque dans une lettre « les sentiments que nous voulons voir régner dans notre personnel, afin de nous permettre de leur pardonner quand ils le mériteront leur conduite inqualifiable ». Il obligera ses salariés, pour les reprendre après la grève, à signer un véritable acte de contrition.