L’inviolable violette soviétique


Selon une enquête menée par The Washington Post, la télévision allemande ZDF et la radio-télévision suisse SRF et publiée le mardi 11 février, les services secrets américains ont discrètement acquis en 1970 la société suisse Crypto AG, leader sur le marché des machines portables de cryptage. En collaboration avec leurs homologues d’Allemagne de l’Ouest, ils ont truqué les équipements vendus par cette entreprise afin de lire les communications secrètes de ses clients (près de 120 pays) et ce pendant des décennies.

« Il a toujours été plus facile de créer un bon code que de casser un bon code », assure le journaliste Stephen Budiansky dans Code Warriors, le livre qu’il consacre aux efforts fournis par les services américains pour décrypter les communications soviétiques. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le système de codage russe tient les Américains en échec. Ils réussissent cependant à décrypter certains messages en utilisant des voies détournées comme le vol de codes de déchiffrage ou en profitant des erreurs des Soviétiques.

Messages secrets soviétiques et violette

En 1948, tous leurs efforts sont balayés quand l’URSS opte pour un nouveau système de chiffrement. Le mur auquel se heurtent les Américains s’appelle Albatross puis, à partir de 1956, Fialka (« violette »). Ce-dernier permit aux Russes d’envoyer des messages à ses alliés du Pacte de Varsovie, et ce aussi bien en russe, qu’en allemand, en roumain, en hongrois, en polonais ou en espagnol. Inviolé, il resta en usage jusqu’à la chute de l’Union Soviétique. Les Russes n’ont commencé à déclassifier les informations à son sujet qu’en 2005.

Inviolable Fialka

La technologie de base de Fialka est classique. C’est celle d’Enigma, machine utilisée par les Nazis dont la clé avait été « cassée » par les Alliés en 1940. Son fonctionnement repose sur l’activation de rotors électromécaniques qui encryptent et décryptent les messages lettre à lettre. Mais là où Enigma disposait de 3 ou 4 rotors, Fialka en a 10. Les Soviétiques ont corrigé les défauts d’Enigma, et notamment celui qui a permis de casser son code : chaque lettre peut être codée par elle-même.

Le nombre total de possibilité de clés offert par Fialka est de 1075, ce qui est proche du nombre d’atomes dans l’univers et est quasi l’équivalent des standards approuvés par la NSA en 2002 pour protéger ses données électroniques top secrètes.

À lire aussi dans Books : L’âge d’or des espions russes, juillet-août 2017.

LE LIVRE
LE LIVRE

Code Warriors: NSA’s Codebreakers and the Secret Intelligence War Against the Soviet Union de Stephen Budiansky, Knopf, 2016

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