Inattendu
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Athènes et Sparte, pour l’honneur

La guerre du Péloponnèse a pris fin il y a… vingt ans, soit vingt-quatre siècles après les combats. Quand, en 1996, les maires d’Athènes et de Sparte ont signé une proclamation de paix symbolique. Mais qu’est-ce qui avait pu pousser les deux cités rivales à s’engager dans un conflit qui allait signer la fin de l’« âge d’or » de la Grèce ? L’honneur, répond en substance Donald Kagan dans The Peloponnesian War. Quoiqu’en dise Thucydide, grand chroniqueur de l’événement, Sparte n’a pas déclenché un conflit rendu inévitable par la puissance grandissante d’Athènes, à laquelle tout l’opposait. Pour Kagan, aucune idéologie, nulle grande cause (démocratie vs autoritarisme), ni même l’espoir de bénéfices sonnants et trébuchants n’expliquent le conflit. C’est l’humain, ses émotions et ses passions, en particulier l’honneur, qui ont provoqué cette guerre de 27 ans.

En – 431 avant notre ère, quand les hostilités commencent, les causes tangibles semblent pourtant légion. Athènes a imposé des sanctions économiques à Mégare, alliée de Sparte ; les deux ennemis luttent pour faire entrer dans leur giron l’île de Corcyre, jusqu’alors neutre ; Béotie (alliée elle aussi de Sparte) voit la cité voisine de Platée comme un avant-poste de l’impérialisme athénien… Mais ce ne sont là que des prétextes, assure Kagan. Sparte n’avait pas plus besoin d’une guerre qu’Hitler n’avait besoin de Lebensraum. La cité a attaqué parce qu’elle pensait pouvoir remporter une victoire facile et ainsi augmenter son prestige à peu de frais. Elle ne s’est pas battue pour des raisons matérielles, comme étendre son territoire ou ses richesses ; mais pour des perceptions et des justifications, comme l’honneur, la peur, le prestige, l’image de soi.

La guerre du Péloponnèse est l’expression d’une vision homérique du monde, d’une conception de la guerre où généraux et soldats ne participent pas à une tactique mais à un poème épique, explique pour sa part l’historien J. E. Lendon dans Song of Wrath. Mais l’évolution des mentalités et des technologies militaires ont peu à peu conduit à négliger le facteur personnel dans l’analyse de la guerre, ajoute-t-il. A l’heure où nous vivons, comme nous le rappelle Pierre Hassner, La Revanche des passions, il n’est peut-être pas inutile de nous pencher sur la guerre du Péloponnèse.

LE LIVRE
LE LIVRE

The Peloponnesian War de Donald Kagan, Penguin Books, 2004

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