Cadavres exquis

Les amateurs de cadavres, ce sont les vers et les pompes funèbres. Et les médias, qui en raffolent. Pour l’entourage, le corps mort est un objet encombrant, dont il faut se débarrasser, de préférence assez vite. Il a un coût, mais aussi un prix, source d’abus. Il a des droits, le plus souvent liés aux souhaits exprimés par l’âme qui l’occupait. Dans le monde moderne, il a tendance à être occulté, voire nié, réduit en cendres.

Quand j’étais enfant, petit garçon malheureux et geignard, je tuais le temps en calculant la valeur d’une vie humaine. Pas la valeur de l’âme d’un individu, de son apport à la civilisation, des économies de sa vie entière, ni sa valeur assurable ou la somme que pourraient obtenir ses héritiers en portant plainte pour décès fautif. Non, je m’intéressais à ce que vaut une vie lorsqu’on la réduit au matériau dont elle est constituée, à ses morceaux, quand elle est retournée poussière. Que vaut, donc, votre poussière ? La réponse dépend de ce qu’on considère comme votre dépouille. D’après mon souvenir, la valeur théorique des éléments chimiques constituant un corps vivant, ou récemment décédé, était de 75 cents dans les années 1950. Aujourd’hui, il s’agirait, dit-on, de 4 ou 5 dollars, ce qui montre, parmi tant d’autres choses, que la valeur de la vie n’a pas suivi le cours de l’inflation. Un être humain se compose principalement d’oxygène, de carbone et d’hydrogène, qui représentent à eux trois 83 % de ...
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Après notre mort de Cadavres exquis, Georgetown University Press

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