Dis-moi comment tu te rases, je te dirai qui tu pries
Publié le 2 octobre 2015. Par La rédaction de Books.
Abraham et les anges, Aert de Gleder
La taille de la barbe, des cheveux, de la moustache n’est pas seulement une question d’esthétique. La manière de jouer de ses poils est aussi profondément liée à la pratique religieuse. Non que dieu préfère ses fidèles glabres ou velus. Mais ceux-ci ont de tout temps utilisé une certaine norme pileuse pour se différencier des religions voisines, avance l’ethnologue Christian Bromberger dans Un Corps pour soi.
Au Ve siècle, dans le souci de distinguer ses ouailles des Egyptiens et des barbares, Saint Jérôme prescrit ainsi aux chrétiens : « Nous ne devons ni avoir la tête rasée comme les prêtres d’Isis et de Sérapis, ni laisser pousser notre chevelure, ce qui est le propre des gens débauchés et des barbares ». Ce avec quoi tous les chrétiens ne seront pas d’accord. Les byzantins feront du poil (la barbe et les cheveux longs) un élément essentiel de leur tradition et une expression du schisme entre Eglise romaine et Eglise orthodoxe.
Dans l’islam, le port de la barbe et de la moustache, et même l’épilation corporelle, sont étroitement codifiés. Une fois encore, cela n’a rien d’un hasard. Bromberger cite le shaykh ibâdite Bayyudh : « Il est demandé et même ordonné aux musulmans de se donner une personnalité spécifique, dans le but de se différencier de ceux qui n’ont pas la même confession qu’eux. » Les Juifs ne sont pas en reste. Les prescriptions du Lévitique de ne pas se raser les coins de la barbe leur permettaient sans doute, selon Bromberger, de se distinguer des Égyptiens rasés de près et des Babyloniens et Persans (aux barbes bouclées). De là serait d’ailleurs née la coutume de se laisser pousser des papillotes, qui distinguent toujours aujourd’hui les traditionnalistes.