Et la masturbation rendit sourd…

Ni les Grecs, ni les Romains, ni les juifs, ni les chrétiens n’ont porté de véritable attention au plaisir solitaire. Il faut attendre les Lumières pour voir cette pratique générer en Occident une anxiété collective et être condamnée sans appel. Comment expliquer cette bizarrerie ?

Je dirigeais à Harvard une vaste formation de premier cycle intitulée « Histoire et littérature », quand me vint ce qui me sembla alors une brillante idée. Nous invitions régulièrement à s’exprimer d’éminents spécialistes dont les recherches transcendaient hardiment les frontières disciplinaires. J’ai donc voulu convier mon ami Thomas Laqueur, qui travaillait, je le savais, à un livre ambitieux mêlant l’histoire de la médecine à l’histoire culturelle, la psychologie, la théologie et la littérature. Ce n’était pas seulement affaire d’amitié ; l’ouvrage que Laqueur avait publié en 1990, La Fabrique du sexe – sur la découverte ou l’invention médicale de la différence sexuelle – avait eu un impact significatif dans de nombreux domaines, de l’histoire des sciences aux gender studies, de la critique littéraire à l’histoire de l’art. Découverte ou invention : la compréhension de la différence entre hommes et femmes s’était transformée, faisait valoir Laqueur, moins en raison de révélations empiriques que du fait d’un processus complexe de réévaluation sociale. Son livre montrait que nous étions progressivement passés, aux XVIIe ...
LE LIVRE
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Le Sexe en solitaire de Thomas W. Laqueur, Gallimard

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