Publié dans le magazine Books n° 102, novembre 2019. Par Wolfgang Lechner.
L’eau-de-vie de canne à sucre est née vers le milieu du XVIIe siècle aux Antilles, peut-être sur l’île de la Barbade. Prisé par les marins et les corsaires, utilisé comme monnaie d’échange dans la traite des esclaves, cet alcool fut le déclencheur de la guerre d’indépendance des États-Unis.
« Moi qui te parle, je me suis vu dans des endroits où il faisait plus chaud qu’au fond d’un four, où tout le monde crevait de la fièvre jaune, où la terre elle-même se soulevait en forme de vagues par l’effet des tremblements de terre ; est-ce que ton docteur a jamais rien vu de pareil ? Et je me tirais d’affaire grâce au rhum, au rhum tout seul. Le rhum était mon pain, mon vin, mon pays, mon ami, mon tout. »
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Celui qui parle ainsi se nomme Bill Bones. Nous sommes au début du chapitre III de
L’Île au trésor, de Robert Louis Stevenson, et, avant la fin de ce même chapitre, Bones, le vieux loup de mer, meurt d’une crise d’apoplexie. Et le lecteur comprend que, ça aussi, c’est à cause du rhum. Car le rhum –
kill devil, « tue-diable »
2, comme on appelait cette eau-de-vie avant que son nom actuel s’impose – est, dans ce genre d’histoires, un élixir de vie et un réconfort de l’âme, mais aussi un poison et un neurotoxique....