Publié dans le magazine Books n° 96, avril 2019. Par Kamel Daoud.
Quand Dieu ordonna à Jonas d’aller convertir les habitants de Ninive, hostiles à sa tribu, il refusa et partit dans la direction opposée. Écrire, c’est s’obliger à voyager dans le sens opposé à son monde et risquer la tempête et le hasard.
Il faut imaginer Jonas écrivain.
« Une religion, c’est un livre qui a bien marché. » La boutade d’un ancien ami algérois résume, je pense, le rêve ultime de tout éditeur, de tout écrivain ; l’explication brève de nos monothéismes, mais pas seulement. On peut l’inverser et défendre l’idée qu’un bon livre devient aussi une sorte de religion. Du moins pour l’individu qui y retrouve une voix, des personnages et la joie d’être un Dieu qu’on dérange peu.
Cette plaisanterie qui n’en est pas une m’avait frappé par sa justesse. Elle rejoignait mon étonnement ancien, de l’époque de l’adolescence, à propos du « Livre sacré ». Comment pouvait-on soutenir que Dieu était éternel, que son univers créé était infini mais qu’il avait écrit un livre fini, dans un langage au nombre de mots fini ? Cela heurtait soit mon bon sens, soit l’idée que je me faisais de l’art d’être un Dieu.
Cependant, je l’avoue, c’est avec un Livre sacré que je me suis familiarisé avec la notion d’universalité. Il était dit que le recueil de ...