Le crépuscule d’un grand auteur
Publié dans le magazine Books n° 54, mai 2014.
Après vingt ans de sommeil dans un coffre-fort zurichois, le journal que Max Frisch écrivit à Berlin entre 1973 à 1980 révèle un écrivain hanté par le déclin de son inspiration.
« Lorsqu’en 1973 Max Frisch s’installa à Berlin et déménagea, avec la jeune Marianne Oellers, de vingt-huit ans sa cadette, au 8 de la Sarrazinstrasse, c’était un écrivain célèbre », rappelle Gregor Dotzauer dans le Tagesspiegel. Le besoin d’anonymat était d’ailleurs l’une des raisons qui l’incitaient à quitter sa Suisse natale. Le second motif était bien sûr l’envie de commencer une vie nouvelle, dans un endroit où il pourrait bénéficier de la compagnie et de la conversation d’autres écrivains : le soir même de son arrivée, le couple est invité à dîner chez Günter Grass, qui habite dans le voisinage.
Le séjour durera jusqu’en 1980. Jusqu’à ce que Frisch se lie à une autre jeunette, l’Américaine Alice Carey, et parte pour New York. Pendant ces sept années, il noircit cinq cahiers à spirales : son « journal de Berlin », dont...