Inattendu
Temps de lecture 1 min

Le dinosaure, invention moderne

Des paléontologues ont exhumé, aux Etats-Unis, le fossile d’une nouvelle espèce de dinosaures. Et bien entendu, le dénommé Machairoceratops cronusi (77 millions d’années quand même, et quatre cornes) fascine déjà. Comme tous ses congénères. Ces vertébrés exercent sur les hommes d’aujourd’hui une emprise qui ne tient pas seulement au fait qu’ils sont géants, féroces et disparus, comme le pensait le paléontologue Stephen Jay Gould. Le dinosaure est « l’animal totem de la culture moderne, une créature qui unit science moderne et culture de masse, connaissance empirique et imagination collective, méthodes rationnelles et pratiques rituelles », ajoute l’historien de l’art Tom Mitchell dans The Last Dinosaur. Le mystère qui entoure l’espèce est en effet suffisamment épais pour lui permettre d’incarner, pêle-mêle, le capitalisme prédateur, l’altérité radicale et la force virile. Sa découverte, au XIXe siècle, épouse d’autant mieux les questionnements de la modernité qu’elle symbolise le pouvoir de la science face à la religion. Les chrétiens croyant en la résurrection d’un homme assistent soudain à la renaissance d’animaux disparus dont leur foi n’explique pas l’existence. Cette résurrection, en os et en images, défie l’entendement. La créature préhistorique est en ce sens une invention moderne, plaide Mitchell. Dès 1830, le géologue britannique Henry De La Beche propose la première reconstitution visuelle de leur univers « antédiluvien ». Dans son aquarelle, Duria Antiquior : A More Ancient Dorset, il met en scène ichthyosaures, plésiosaures et dimorphodons pour illustrer les découvertes de Mary Anning, collectionneuse de fossiles et paléontologue. Le terme « dinosaures » lui-même est inventé une dizaine d’années plus tard par son compatriote le paléontologue Richard Owen. Et, sur les indications de celui-ci, le dessinateur naturaliste Benjamin Waterhouse Hawkins utilise en 1854 le ciment armé pour reproduire plusieurs espèces disparues en taille réelle. La commande lui en a été faite par le palais d’exposition le Crystal Palace, qui crée ainsi l’ancêtre du parc à thème et de Jurassik Park. Le dinosaure ne quittera désormais plus l’imaginaire et les arts visuels, notamment le cinéma, où sa résurrection est de plus en plus « réaliste » à mesure que la technique progresse.

LE LIVRE
LE LIVRE

The Last Dinosaur : The Life and Times of a Cultural Icon de W. J. T. Mitchell, University of Chicago Press, 1998

SUR LE MÊME THÈME

Inattendu Se reproduire sans sexe
Inattendu États-Unis : les fiascos de l’impeachment
Inattendu Manger un steak, c’est classe

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Chronique

Feu sur la bêtise !

par Cécile Guilbert

Voir le sommaire