L’étoffe d’un héros

L’Amérique, qui aime tant les héros, s’en est trouvé un à sa mesure : Louis Zamperini, mauvais garçon devenu coureur olympique du 5 000 mètres, puis héros de la Seconde Guerre mondiale, naufragé, victime de la cruauté japonaise, et enfin born-again Christian, sauvé de l’alcoolisme par le célèbre pasteur télévangéliste Billy Graham.

L’Amérique, qui aime tant les héros, s’en est trouvé un à sa mesure : Louis Zamperini, mauvais garçon devenu coureur olympique du 5 000 mètres, puis héros de la Seconde Guerre mondiale, naufragé, victime de la cruauté japonaise, et enfin born-again Christian, sauvé de l’alcoolisme par le célèbre pasteur télévangéliste Billy Graham.

Une incroyable convergence de tous les mythes américains en un seul homme, que la biographe à succès Laura Hillenbrand a su mettre à profit dans Unbroken, « spectaculaire odyssée, pleine de fureur, de tempêtes et de monstres, pour la plupart humains », s’enthousiasme David Margolick dans le New York Times. L’ouvrage est le fruit des quelque 75 entretiens que la journaliste a menés avec son héros de 93 ans, l’un des derniers vétérans de la Seconde Guerre mondiale. C’est que la vie spectaculaire de Louis Zamperini n’est pas seulement fort longue ; elle a aussi commencé très tôt : « Il fumait à 5 ans, se saoulait à 8 », était délinquant multirécidiviste à 12, relève Sam Anderson dans le New York Magazine. Puis, changement de cap : « L’adolescent apprend à canaliser ses énergies destructrices dans la course à pied et devient à 19 ans une légende, le plus jeune coureur de fond olympique de l’histoire américaine », personnellement salué par Hitler aux Jeux de Berlin, où il finit huitième en 1936. Avec la guerre, nouveau tournant : il s’enrôle dans l’aviation et se comporte en héros. Son bombardier est abattu en 1943 au-dessus du Pacifique, mais Zamperini survit 47 jours dans un canot (encore un record !), avant d’être fait prisonnier par les Japonais.

Pas étonnant, dès lors, que la biographie tombe souvent dans l’hagiographie, comme le regrette Janet Maslin dans un autre article du New York Times. Heureusement, si l’on peut dire, le récit est empreint de noirceur. Enfant, c’est la méchanceté des autres gosses qui le conduit à la violence. Puis, champion de son université, il suscite tant de jalousie qu’il se fait tabasser pendant une course (qu’il gagne quand même). Pilote, c’est la vindicte d’un officier qui l’envoie en mission sur un appareil vétuste. Naufragé, luttant contre les requins au milieu du Pacifique, il se fait mitrailler par un avion japonais, qui crève le canot où il survit avec deux autres rescapés. Enfin, parvenu par miracle aux îles Marshall, il est instantanément capturé et devient le souffre-douleur d’un geôlier sadique et psychopathe sexuel, Mutsuhiro Watanabe.

Cela n’empêchera pas Zamperini, devenu un chrétien zélé sous l’influence de Billy Graham, de revenir à Tokyo aux Jeux de 1998 pour y porter la flamme olympique et accorder son pardon à Watanabe, qu’il tente même de rencontrer pour le convertir. Le Japonais, qui entre-temps avait fait fortune dans les assurances, dédaigna l’opportunité.

LE LIVRE
LE LIVRE

Intact de L’étoffe d’un héros, Random House

ARTICLE ISSU DU N°23

SUR LE MÊME THÈME

Bestsellers Les recettes de Monsieur Longévité
Bestsellers À la recherche du folklore perdu
Bestsellers L’homme qui faisait chanter les cellules

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Bestsellers

L’homme qui faisait chanter les cellules

par Ekaterina Dvinina

Voir le sommaire