L’explosion de la population mondiale, un fantasme ?

En cette période où les indices économiques jouent au yo-yo, quoi de plus rassurant que la courbe régulière de l’évolution de la population mondiale dessinée ci-dessous sur la figure n° 1. La croissance parait enclenchée pour longtemps encore et l’on prête facilement crédit à la projection moyenne (en tiretés) effectuée récemment par la division de la population des Nations-Unies. Bien que la mécanique cachée derrière la prolongation de la courbe jusqu’en 2050 soit assez complexe, impliquant la projection de chaque nation du monde séparément et avec son accord, le résultat apparait simple et logique. Certes, la satisfaction esthétique doit être tempérée par ce que signifie une telle évolution : l’explosion démographique. Tôt ou tard, la terre ne pourra plus supporter un aussi fort accroissement du nombre des hommes. Les subsistances, l’énergie, l’eau même viendront à manquer. Les hommes se disputeront les ressources devenues rares ou se serreront la ceinture.

Graphe1

Avant d’envisager de telles extrémités, il faut cependant se demander si cette représentation de l’avenir de la population mondiale est correcte. Il existe en effet un autre moyen de décrire l’évolution de la population mondiale et, partant, de la projeter pour ne pas dire de la prédire : suivre l’évolution de son taux annuel de croissance. C’est celui-ci dont on a représenté les valeurs de 1950 à 2010 sur la figure n° 2. L’impression que dégage cette nouvelle courbe est radicalement différente de la précédente. Après avoir augmenté jusqu’au début des années 1970, et atteint 2,1% par an, le taux de croissance de la population mondiale a commencé à diminuer et a continué à le faire pratiquement sans relâche, si bien qu’il se situe aujourd’hui aux environs de 1,1 %. Une division par deux en 40 ans. Il est alors facile de prolonger la tendance. Nous l’avons fait en partant soit de 1970, soit seulement des 20 dernières pour lesquelles la décrue est un peu plus rapide. Dans les deux cas, le taux de croissance devient nul puis négatif respectivement autour de 2050 et de 2040. Ceci veut dire que la population atteindrait vers ces dates un maximum puis commencerait à diminuer, donc que l’explosion démographique aurait fait long feu. C’est possible et même probable au point que les Nations unies ont calculé une projection « basse » en plus de la « moyenne ». Or, dans la projection basse, la population mondiale plafonne à 8 milliards d’habitants vers 2045 puis commence à lentement diminuer.

Graphe2

Pourquoi ne fait-on presque jamais mention de la projection basse ? Pourquoi ne montre-t-on jamais l’évolution du taux de croissance de la population mondiale ? Ce n’est pas en raison d’une supériorité technique d’une projection sur l’autre comme nous le montreront dans de prochains blogs. Il faut plutôt chercher du côté des représentations idéologiques. L’explosion démographique occupe une position stratégique dans les discours prospectifs. La population mondiale doit menacer d’exploser, c’est nécessaire, et ce sera à cause des pays dont la population se reproduit sans retenue, des nations pauvres et très pauvres. Ce sont elles qui doivent être tenues pour responsables des maux de la planète dont la catastrophe finale risque d’être la conséquence. Comme l’invasion des immigrés ou l’insolente fortune des super-riches, la fécondité débridée des pauvres fait partie de l’imagerie simpliste avec laquelle les anciennes nations développées tentent de sauver sinon leur domination économique, au moins leur respectabilité.

Hervé Le Bras

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