Publié dans le magazine Books n° 31, avril 2012. Par Elena Tchernenko.
Une critique russe découvre avec stupeur le roman prétendument autobiographique du Moldave Nicolaï Lilin, Urkas !, véritable phénomène de librairie à travers l’Europe. Car ce récit d’une enfance et d’une adolescence passées dans un clan de Robin des Bois régi par un redoutable code d’honneur n’a que peu de rapport avec la vérité. La presse occidentale n’y a vu que du feu.
« As-tu lu le livre de Nicolaï Lilin,
Urkas ! Itinéraire d’un parfait bandit sibérien ? », me demanda au printemps 2011 un journaliste allemand de mes amis. « Non ? Ce n’est pas possible ! C’est un bestseller mondial, traduit dans quarante pays. En Europe, son auteur est considéré comme le nouveau prodige des lettres russes. » Pourtant, quand je cherchai à me procurer l’ouvrage si chaudement recommandé, je ne le trouvai dans aucune librairie moscovite. Le livre, qui a très bonne presse en Europe, n’a tout simplement pas été publié en Russie.
La couverture allemande du roman montre l’arrière du crâne rasé d’un jeune homme, un revolver tatoué sur l’omoplate, une croix orthodoxe sur la nuque, et vêtu d’un débardeur blanc sur lequel est décalquée l’image grisâtre d’un paysage typiquement postsoviétique : des barres d’immeubles délabrés, la neige sale, une vieille Jigouli rouillée et des canalisations à l’abandon. « Celui qui veut lire ce livre doit oublier les catégories du bien et du mal telles que nous les concevons, conseille l’auteur italien de
Gomorra, Roberto Saviano, cité ...