On a perdu le contact


La Covid-19 prive de goût et/ou d’odorat certains malades. Indirectement, elle affecte aussi notre sens du toucher. Les stylos ne passent plus de main en main, les rampes d’escaliers et boutons d’ascenseur sont devenus suspects, et bien sûr, finies les poignées de mains et les bises.

Tout cela change nos habitudes et même un peu plus. Car « le toucher n’est pas optionnel pour le développement humain », explique le neurobiologiste américain David J Linden dans Touch. Les bébés privés de contacts, comme ceux que l’on a retrouvé dans les orphelinats roumains à la fin de l’ère Ceausescu, souffrent d’énormes carences. Leur croissance physique et psychique est ralentie. Ils développent des comportements répétitifs, se balancent d’avant en arrière pour se rassurer. À l’âge adulte, ils ont aussi plus de risques de devenir obèses, diabétiques et de souffrir de maladies mentales allant de la psychose à la dépression.

L’importance du contact humain

Le toucher est profondément lié aux émotions, rappelle Linden. Les capteurs sensoriels dans notre peau et les terminaisons nerveuses sous sa surface recueillent des informations sur la pression, la vibration, la chaleur, la douleur… qui sont ensuite traitées dans une région du cerveau appelée cortex somesthésique. Celui-ci est directement relié avec les aires chargées de nos émotions. Nos expériences tactiles sont ainsi chargées de sens. Sentir son dos caressé par son compagnon/sa compagne n’aura ainsi pas le même effet que si c’est le médecin qui ausculte votre colonne vertébrale.
Le toucher et les émotions sont si liés que l’un sans l’autre ils peuvent cesser de faire sens. Ainsi les patients dont le centre de la douleur dans le cerveau est lésé sont capables de décrire ce que cela fait d’être brûlé ou piqué, sans pour autant trouver ces sensations déplaisantes. La douleur n’a pas d’implication émotionnelle pour eux. Inversement pour des patients dont le cortex somesthésique est endommagé, la douleur n’est qu’émotion. Ils réagissent mais sans savoir où et de quelle manière ils ont mal.

Le toucher et l’émotion

Et même si toutes les sociétés ne valorisent pas le contact de la même manière, il constitue une « forme essentielle de colle sociale », assure Linden. Ne dit-on pas qu’une situation ou une personne sont « touchantes » ? En 2010, une étude menée sur les parquets de la NBA a montré que les équipes dont les joueurs se congratulent en se tapant dans la main ou en s’embrassant tendaient à avoir une plus grande cohésion sur le terrain et à améliorer leurs résultats.

À lire aussi dans Books : Les saveurs et les sons se répondent, septembre/octobre 2017.

LE LIVRE
LE LIVRE

Touch: The Science of Hand, Heart and Mind de David J Linden, Viking, 2015

SUR LE MÊME THÈME

Le livre L'alcool et nous, une longue histoire
Le livre L'emprunt contre la pauvreté
Le livre Le pronom manquant

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Chronique

Feu sur la bêtise !

par Cécile Guilbert

Voir le sommaire