Publié dans le magazine Books n° 92, novembre 2018. Par Atossa Araxia Abrahamian.
Pour les plus privilégiés, il est synonyme de liberté. Mais, pour les États, le passeport a toujours été un moyen de restreindre les déplacements. Et, à l’heure où ce document est en passe d’être dématérialisé, le monde se couvre de nouvelles frontières, bien réelles.
Dans
Casablanca, Rick Blaine (Humphrey Bogart) retrouve son ancien amour, Ilsa Lund (Ingrid Bergman), dans la ville portuaire marocaine où elle a trouvé refuge avec son mari, Victor Laszlo. On se souvient généralement du film comme d’une histoire d’amour en temps de guerre, et, à première vue, c’est bien de cela qu’il s’agit : Rick et Ilsa renoncent à leur amour pour aider Laszlo, un chef de la résistance tchèque, à poursuivre la lutte contre les nazis. Mais toute l’intrigue – et la raison même des retrouvailles entre Ilsa et Rick – repose sur quelque chose de beaucoup plus terre à terre : le couple Laszlo cherche à se procurer des « lettres de transit ». Ces documents – deux feuilles pliées portant la signature d’un fonctionnaire – ne paient pas de mine, mais, dans le film comme dans la vraie vie, ils peuvent faire la différence entre la vie et la mort.
Dans la première moitié du XXe siècle, en temps de guerre notamment, les ressortissants de nombreux États occidentaux avaient besoin d’un visa de sortie pour pouvoir quitter leur pays. Pendant la Seconde Guerre mondiale – l’époque où se passe le...