Trois façons de ne pas mentir (sans dire la vérité)
Publié le 8 février 2016. Par La rédaction de Books.
Ce n’est pas seulement parce qu’il a accepté un poste de ministre du Budget après avoir cherché à soustraire son argent au fisc que Jérôme Cahuzac s’est attiré l’opprobre. C’est aussi, et peut-être surtout, parce qu’il a menti, notamment devant l’Assemblée nationale. Rien n’est pourtant plus banal que cela. La tactique est utilisée partout, en permanence, ne serait-ce que pour maintenir une certaine paix sociale. Reste que le mensonge n’a jamais cessé de poser un problème moral.
Dans The Devil Wins, l’historien Dallas G. Denery II rappelle comment, des débuts de l’ère chrétienne au siècle des Lumières, philosophes et théologiens ont cherché à définir le mensonge, contribuant ainsi à trouver des solutions pratiques à ce dilemme éthique et religieux : que faire quand nous avons besoin de ne pas dire la vérité, sans vouloir pour autant devenir des menteurs et des pécheurs ? Il n’est pas question pour les penseurs de justifier le mensonge, mais d’imaginer des arguments qui permettent d’éviter la condamnation dont il fait l’objet. Dallas G. Denery II relève par exemple trois stratégies dûment absoutes au XIIIe siècle (dont la pérennité n’échappera à personne) : l’équivoque, la réserve mentale et l’amphibologie. L’équivoque consiste à profiter des multiples sens ou de l’ambiguïté d’un mot. La réserve mentale relève du mensonge par omission. Garder le silence n’est pas à strictement parler mentir, explique-t-on. L’amphibologie, elle, ajoute un niveau de raffinement. Cette tactique joue à la fois sur l’ambiguïté et sur l’omission, en postulant que ce sont les différentes formes de langage (purement mental, purement oral et purement écrit) mêlées qui produisent une vérité ou un mensonge. Ainsi, précise Denery, « si un ami demande de l’argent ou un livre, nous sommes libres de lui répondre “Je n’en ai pas” même si c’est faux, mais uniquement si nous ajoutons en silence “à te donner”. » La vérité se cache toujours entre les lignes.