Une valeur fausse : Hannah Arendt

Pensée décousue voire incohérente, concepts flous, approximations historiques… Le réquisitoire n’est pas tendre : aux yeux de l’historien Bernard Wasserstein, spécialiste de l’histoire juive et israélienne, l’œuvre d’Hannah Arendt, figure majeure de la pensée politique contemporaine, doit être totalement reconsidérée. Prenant au mot celle qui se situait elle-même « quelque part entre l’historienne et la publiciste », il passe au crible sa méthodologie historique, souligne les contradictions de sa pensée sur le totalitarisme et fustige la « perversité » de sa vision du monde. S’il juge louable son rejet du discours apologétique juif, il accuse la philosophe-historienne d’avoir versé dans l’extrême inverse. Son insistance sur la « coresponsabilité » des Juifs s’expliquerait, selon lui, par une « surexposition » à la littérature antisémite et nazie, dont témoigne l’utilisation douteuse qu’Arendt fit de ces sources. Issu d’une conférence, l’article, publié dans le prestigieux Times Literary Supplement, a provoqué un intense débat dans le monde anglo-saxon.

Comment écrire l’histoire ? Lucien, satiriste grec du IIe siècle, fut l’un des premiers auteurs à aborder la question. Une bonne partie de son traité sur le sujet prend la forme d’admonestations sur les choses à ne pas faire. Il critique par exemple un philosophe de Corinthe qui « proposa un raisonnement excessivement habile, pour conclure que seul un philosophe devrait écrire l’histoire ». Nous avons peut-être, avec Hannah Arendt, un excellent exemple de philosophe-historien, même si elle a récusé toute prétention à être philosophe, préférant se définir « quelque part entre l’historienne et la publiciste ». Arendt est de ces figures qui, aux confins de la recherche, du journalisme et du débat public, jouissent d’une adulation posthume proche du culte. Sa vie fait l’objet d’une fascination apparemment insatiable (en témoigne notamment la récente publication de son carnet d’adresses : Das private Adressbuch, 1951-1975) et sa pensée a nourri une production universitaire considérable. L’essentiel de son travail historique se situe à mi-chemin entre l’étude documentée et la haute théorie politique. Mais, si l’on s’en tient à la manière dont elle-mê...
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Les Origines du totalitarisme de Une valeur fausse : Hannah Arendt, Gallimard

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