Naviguer sans GPS

L’humanité voyage depuis la nuit des temps. Durant des millénaires, des hommes se sont aventurés dans des territoires inconnus, ont traversé des déserts immenses et cheminé dans des forêts profondes, se sont lancés sur les mers et ont sillonné les océans. Par quels moyens parvenaient-ils à ne pas se perdre ? Comment se situait-on et s’orientait-on dans l’espace avant l’invention du GPS, si intégré dans notre vie qu’il devient difficile pour beaucoup d’entre nous d’envisager le plus petit déplacement sans son aide ? C’est à ces questions qu’a voulu répondre John Edward Huth dans un gros livre poétiquement intitulé The Lost Art of Finding Our Way, dont l’objectif est de décrire et d’analyser « la variété des procédés grâce auxquels les hommes peuvent naviguer en utilisant des instruments simples et des indices fournis par l’environnement ». L’ouvrage tire son origine d’un fait divers dramatique, plus exactement de la réaction émotionnelle de l’auteur, professeur de physique à l’université de Harvard, à un accident qui l’a particulièrement touché pour des raisons personnelles. Il y a dix ans, deux étudiantes qui faisaient du kayak le long de la côte du Cap Cod, au Massachusetts, ont disparu en mer par une journée de brouillard. Le corps de l’une d’entre elles a été retrouvé, celui de l’autre jamais. L’incident a suscité beaucoup d’émoi aux États-Unis. Il a particulièrement impressionné John Edward Huth, lui aussi amateur de kayak, qui se trouvait ce jour-là au même endroit dans une embarcation de ce type, mais qui, lui, ne s’est pas perdu. Avant de lancer son frêle esquif à la mer, il avait en effet noté d’où soufflait le vent ; et tout en pagayant, il était resté attentif aux mouvements de la houle et aux sons émis par les bouées ancrées à trois kilomètres au large. À chaque moment, il savait donc dans quelle direction se situait la côte. À l’évidence, tel n’était pas le cas des deux jeunes filles, sans doute tellement désorientées qu’elles se sont dirigées vers la pleine mer en croyant être en train de regagner la terre ferme. Réalisant qu’il avait dû son salut à sa capacité d’interpréter correctement les signes de l’environnement, Huth décida de créer à Harvard un cours consacré aux techniques traditionnelles de navigation, telles qu’elles étaient notamment utilisées par les plus fameux peuples marins du passé : les populations des îles du Pacifique, les Vikings, les marchands arabes. C’est de ce cours qu’est issu ce livre, conçu dans un esprit très proche d’un ouvrage classique plus ancien, à qui il doit sans doute davantage que ne l’invitent à penser deux très discrètes citations : Finding Your Way Without Map or Compass, du navigateur et pilote australien Harold Gatty. La plus élégante des techniques traditionnelles La technique de navigation la plus commune et rudimentaire est la navigation à l’estime, qui consiste à évaluer sa position en fonction de la route suivie et de la distance parcourue depuis un point de départ connu. John Edward Huth lui consacre plusieurs pages au début de l’ouvrage, en indiquant quelques trucs pratiques pour évaluer les distances et maintenir constante la direction de sa progression. Une méthode de navigation bien plus élaborée, la plus élégante, sophistiquée et emblématique des techniques traditionnelles, est la navigation céleste. La position des astres (les étoiles, le soleil, la lune et les planètes) sur la voûte céleste varie en fonction de l’heure du jour ou de la nuit, du moment de l’année, ainsi que de l’endroit de la terre où l’on se trouve. Depuis toujours, l’observation du ciel a donc fourni aux hommes les moyens de se situer dans le temps, une horloge et un calendrier naturels, ainsi que dans l’espace. « Les innombrables générations qui nous ont précédés », fait justement remarquer Alain Giraud-Ruby dans sa belle histoire de l’astronomie, « les chasseurs et les cueilleurs, les bergers ou les pêcheurs […] ignoraient les astéroïdes, les trous noirs, les galaxies spirales et le big bang, mais ils voyaient bien les astres les plus brillants errer lentement sur le fond immuable des constellations qui se levaient et se couchaient quotidiennement en se décalant petit à petit dans le grand cycle annuel ». Aujourd’hui, immergés du crépuscule à l’aube dans un éblouissant bain d’éclairage artificiel, nous ne regardons plus beaucoup le ciel nocturne, que la pollution lumineuse émanant en halo des zones urbaines rend d’ailleurs difficile à apercevoir en détail, ce dont les astronomes se plaignent volontiers comme d’une vraie nuisance. Mais nos ancêtres avaient tout le loisir d’y plonger les yeux. La première carte stellaire connue figure sur une paroi de la grotte préhistorique de Lascaux, et les principales étoiles et constellations du ciel visible ont été identifiées par des civilisations très anciennes. Les constellations du zodiaque (celles que traverse l’écliptique, le plan de rotation de la terre autour du soleil, incliné de 23° 27 par rapport à l’équateur terrestre), portent, dans la nomenclature occidentale, les noms dont les ont baptisés les Babyloniens. D’autres tirent le leur de la mythologie grecque, par exemple Orion, la plus grande constellation du ciel septentrional, qu’elle domine majestueusement en hiver. Et beaucoup d’étoiles ont des noms d’origine arabe : Deneb, Aldebaran, Altaïr, Bételgeuse, Rigel. Une boussole naturelle En guise d’introduction à ce qui constitue la section du livre la plus fouillée, John Edward Huth passe en revue quelques-unes des étoiles les plus brillantes (celles citées, mais aussi Sirius, Antarès, Vega) et des constellations les plus connues : à côté d’Orion et du Zodiaque, la Grande Ourse, Cassiopée et les Pléiades. Il explique le système de coordonnées utilisé pour définir leur position sur la voûte céleste, calqué sur le dispositif des coordonnées terrestres : la « déclination » d’un astre est l’équivalent de la latitude terrestre, la « longitude céleste » l’image de la longitude terrestre, l’« équateur céleste » reproduit l’équateur terrestre. Si la terre ne tournait pas sur son axe et autour du soleil, le même système de cordonnées pourrait servir dans l’un et l’autre cas, mais puisqu’il n’en est rien, les étoiles ont besoin de leur propre carte. Un marin en mer, et, plus généralement, un voyageur en route vers sa destination, peuvent recourir aux étoiles à la fois pour s’orienter et pour déterminer leur position. Dans le premier cas, les astres leur servent de boussole naturelle. La plus fameuse boussole naturelle est bien sûr, dans l’hémisphère nord, l’étoile polaire, qui tourne autour du pôle nord céleste à une distance de 45 minutes d’arc de celui-ci, c’est-à-dire suffisamment près de lui pour pouvoir être considérée comme indiquant le nord. Mais d’autres étoiles brillantes peuvent être mises à profit pour s’orienter, pour peu que l’on connaisse la direction de leur lever et de leur coucher. Lorsque l’on s’éloigne de l’équateur, l’azimut de lever et de coucher des étoiles (l’azimut d’un point est l’angle de sa direction par rapport au nord) change cependant substantiellement avec la latitude. Sauf dans le cas d’une navigation à latitude constante, plein est ou plein ouest, c’est donc dans une bande de 20° au-dessus et en dessous de l’équateur que la méthode de la boussole céleste peut être le plus efficacement employée. De fait, c’est essentiellement dans ce couloir que naviguaient les habitants des îles du Pacifique et les marins arabes qui traversaient la mer d’Oman et le golfe du Bengale dans l’océan Indien. Dans cette zone de latitudes, aussi longtemps qu’une étoile reste proche de l’horizon, elle peut très aisément servir d’indicateur de direction. Mais une fois qu’elle est montée dans le ciel, son azimut est plus difficile à déterminer. Les marins polynésiens avaient donc l’habitude de regrouper les étoiles en séquences possédant le même azimut de lever et de coucher, ce qui leur permettait de disposer d’une boussole fiable sans avoir à mémoriser les trajectoires individuelles de trop nombreux astres. 178 étoiles, constellations et nébuleuses Leurs capacités sur ce plan étaient pourtant remarquables. Au témoignage d’un Anglais ayant longtemps habité aux îles Gilbert, un indigène avec lequel il s’était entretenu pouvait identifier 178 étoiles, constellations et nébuleuses et indiquer leur position à différents moments de la nuit tout au long de l’année. Une performance exceptionnelle, certes, mais qui donne une idée du degré auquel les marins polynésiens avaient poussé les techniques de la navigation stellaire. Leur maîtrise dans ce domaine ne manqua pas d’impressionner les premiers explorateurs occidentaux des mers australes. James Cook en déduisit l’idée juste que la Polynésie avait été colonisée par des populations venant d’Asie orientale et progressant d’archipel en archipel en naviguant vers l’est. Et Louis Antoine de Bougainville notait dans son célèbre Voyage autour du monde à propos des habitants de Tahiti : « Au reste, les gens instruits de cette nation, sans être astronomes, comme l’ont prétendu nos gazettes, ont une nomenclature des constellations des plus remarquables ; ils en connaissent le mouvement [et] s’en servent pour diriger leur route en pleine mer d’une île à l’autre. Dans cette navigation, quelquefois de plus de trois cents lieues, ils perdent toute vue de terre. Leur boussole est le cours du soleil pendant le jour et la position des étoiles pendant les nuits. » L’utilisation des étoiles pour déterminer sa position relève d’une technique différente. En l’absence d’instruments précis de mesure du temps, seule la latitude d’un point peut être estimée par des moyens artisanaux. Fondamentalement, le principe est de mesurer la hauteur d’un astre donné dans le ciel. Celle de l’étoile polaire, par exemple, donne directement la latitude avec une précision acceptable. Mais l’étoile polaire n’est visible que dans l’hémisphère nord. On peut aussi s’appuyer sur la hauteur du soleil à midi, par définition le moment où il traverse le méridien du lieu et culmine dans le ciel. Mais pour en tirer la position en latitude, il faut posséder des tables indiquant la déclinaison du soleil aux différentes latitudes aux différents moments de l’année. Des tables du même type sont aussi nécessaires pour calculer sa position en latitude en fonction de la longueur du jour, étant entendu que cette dernière méthode exige de disposer de surcroît d’un chronomètre, et qu’elle est d’autant moins applicable que l’on est à proximité des équinoxes, les deux moments de l’année où la durée du jour est la même sur toute la terre. Établir sa position à l’aide de moyens primitifs est toutefois également possible en référence à un lieu au zénith duquel une étoile de taille significative passe à un moment donné de la nuit, dont la latitude coïncide donc avec la déclination de l’étoile en question. John Edward Huth est d’avis que les marins polynésiens exploitaient ce fait, à côté de la méthode de la boussole céleste, pour voyager sur de longues distances. Soit une île dont on sait qu’une étoile donnée passe à son zénith : « Un marin peut trouver [cette] île en naviguant vers le nord ou le sud jusqu’à ce que [cette] étoile apparaisse à son zénith, puis vers l’est ou l’ouest jusqu’à ce qu’il rencontre l’île. » Un phénomène familier des paysans et des pécheurs Dans les page suivantes, Huth analyse les mouvements du soleil dans le ciel, profitant de l’occasion pour rappeler cette vérité apparemment largement méconnue que le mécanisme des saisons n’est pas dû à la forme elliptique de l’orbite terrestre, qui rapprocherait, dit-on, la terre du soleil en été (au solstice d’été, la terre est au contraire plus éloignée du soleil qu’au solstice d’hiver), mais bien à l’inclinaison de l’axe de rotation de la terre sur l’écliptique, qui fait varier la durée et l’angle d’exposition de la surface terrestre au rayonnement solaire, donc l’intensité de l’insolation, tout au long de l’année. Un phénomène, souligne-t-il, familier des paysans et des pêcheurs depuis des millénaires, mais qui échappe à la plupart de nos contemporains, parce que la position et la trajectoire du soleil dans le ciel n’ont plus d’importance et de signification dans leur vie. Huth explique aussi comment, selon des chercheurs danois, les Vikings ont pu utiliser les propriétés de biréfringence des cristaux de calcite pour identifier précisément la direction du soleil en fonction de la polarisation de la lumière du ciel, lorsque celui-ci est sombre, nuageux ou caché par le brouillard. Sans entrer dans l’explication détaillée des mouvements de la lune, une question de mécanique céleste compliquée relevant de la classe des « problèmes à trois corps », il décrit également quelques techniques grossières basées sur l’observation de notre satellite naturel pour estimer approximativement l’heure ou déterminer dans quelle direction est le sud. Après avoir évoqué les difficultés que soulèvent, pour qui veut mesurer la hauteur d’un astre dans le ciel, la réfraction des rayons lumineux dans les couches denses de l’atmosphère, les mirages qui peuvent se former à l’horizon et l’angle d’inclinaison de celui-ci par rapport à l’horizontale qu’engendre la courbure de la surface de terre, Huth aborde la question du calcul précis de la latitude et de la longitude, dont l’examen le conduit à sortir du champ des techniques primitives de navigation. La conquête de la précision dans ce domaine est en effet la conséquence de progrès en mathématiques, astronomie et instrumentation qui sont intervenus à partir de la fin du Moyen Âge en Occident : la mise au point, successivement, du quadrant, du bâton de Jacob, de l’octant et du sextant, instruments de mesure de la hauteur des astres de précision et de fiabilité croissantes, ainsi que le développement des éphémérides nautiques et de cartes de plus en plus élaborées. La projection de Mercator, par exemple, parce qu’elle conserve les angles, confère le moyen de suivre facilement à l’aide de la boussole et du compas une route de cap constant, représentée par une ligne droite sur les cartes réalisées à l’aide de cette méthode. Elle permet aussi de comparer plus facilement le point tel qu’il résulte des mesures célestes et le point estimé. Ces progrès coïncidèrent largement avec la période des Grandes découvertes. Un des premiers navigateurs à recourir aux procédés de navigation stellaire à l’aide d’instruments performants fut d’ailleurs Christophe Colomb. Les nouvelles techniques ne s’introduisirent toutefois que peu à peu, beaucoup de capitaines leur préférant la vieille méthode de navigation à l’estime. Colomb lui-même, réputé pour son extraordinaire talent sur ce plan, faisait essentiellement confiance à son savoir-faire et son expérience dans ce domaine. « Colomb » relève un de ses nombreux biographes Laurence Bergreen, « maîtrisait intuitivement la plus ancienne forme de navigation. […] Il se fiait à son instinct et son expérience des marées et du vent ; la couleur de la mer et l’aspect des nuages avaient plus d’importance pour lui que les calculs mathématiques des maîtres-cosmographes de l’époque. […] Navigateur à l’estime chevronné, quand il le fallait, il abandonnait le quadrant et l’astrolabe pour ne faire appel qu’à ses sens, plus particulièrement à sa vue perçante ». Le Temple du soleil La longitude est nettement plus difficile à déterminer que la latitude. Rien dans le ciel ne permet en effet de la mesurer directement, puisque la voûte céleste présente le même aspect pour tous les observateurs situés à une même latitude : seule varie l’heure à laquelle un aspect donné se manifeste, en fonction, précisément, de la longitude. Pour calculer celle-ci, il faut donc pouvoir estimer avec précision la différence entre l’heure locale et l’heure sur un méridien défini comme référence. En l’absence de chronomètres assez perfectionnés pour pouvoir conserver, sur un bateau, l’heure du méridien de référence, plusieurs méthodes astronomiques étaient utilisées pour établir la longitude. On pouvait par exemple comparer l’heure à laquelle intervenait un événement céleste au point où l’on se trouvait à l’heure où il se produisait sur le méridien de référence, lorsque celle-ci avait été calculée à l’avance. C’était le cas pour les heures des éclipses, reprises dans les tables astronomiques. Un des premiers à utiliser ce moyen fut Christophe Colomb, dans des circonstances dont le dessinateur Hergé s’est vraisemblablement inspiré pour imaginer l’épisode le plus célèbre de l’album des aventures de Tintin intitulé Le Temple du soleil. Au cours de son quatrième voyage, parce que son bateau, dont la coque était infestée de vers, faisait eau, le navigateur se vit obligé d’échouer le navire dans une baie de la côte nord de l’île de la Jamaïque. Les indigènes résidant à cet endroit fournirent généreusement des vivres à l’équipage. Mais parce que les hommes de Colomb les avaient maltraités, à partir d’un certain moment, ils refusèrent de continuer à nourrir les marins. Colomb savait grâce aux tables astronomiques qu’il avait à bord qu’une éclipse de lune allait bientôt se produire. Il décida d’exploiter cette information pour calculer la longitude du lieu, tout en saisissant l’occasion unique qui s’offrait ainsi à lui d’impressionner les autochtones. Colomb commença par menacer de faire disparaître la lune s'ils ne recommençaient pas à l’approvisionner. Le jour où l’éclipse se produisit, il mesura à l’aide d’un sablier le temps qui s’était écoulé entre le crépuscule et l’évanouissement de l’astre. Après que les indigènes l’aient supplié de faire revenir la lune, il prononça une prière censée la faire réapparaître dans le ciel. Ce qu’elle fit, bien sûr, et les vivres ne tardèrent pas à revenir aussi. Parce que la mesure qu’il avait effectuée n’avait pas été très précise, le résultat de son calcul de position était toutefois entaché d’une erreur, loin d’être négligeable, de 33° de longitude. Parce que les éclipses sont des événements rares, une telle méthode ne pouvait cependant être utilisée en routine. D’autres procédés de la même famille, basés par exemple sur l’observation d’une occultation d’étoile ou celle des éclipses des satellites de Jupiter, qui se produisent plusieurs fois par jour, ont été utilisés ou simplement proposés. Mais ils n’étaient guère plus commodes et fiables. Un d’entre eux réussit toutefois à s’imposer. Baptisé « méthode des distances lunaires », il reposait sur le relevé de la distance angulaire entre la lune et le soleil ou un astre, dont les données figurant dans les tables astronomiques permettent de déduire la différence d’heure par rapport au méridien de référence, donc la longitude. Cette méthode était suffisamment sûre pour continuer à être employée après que les premiers chronomètres embarqués de précision aient été mis au point. Le triomphe intellectuel du travailleur L’histoire de cette mise au point, un développement fondamental dans la longue aventure du calcul de la longitude, a été racontée à de nombreuses reprises, notamment par Dava Sobel dans son best-seller Longitude. Le livre fait le récit de la conception et la fabrication, par l’anglais John Harrison, de cinq modèles de chronomètres de marine de plus en plus perfectionnés, en réponse à un concours lancé par le gouvernement britannique, qui offrait une récompense de 20 000 livres à qui parviendrait à identifier une méthode simple et précise pour déterminer la longitude en pleine mer. John Harrison était fils de menuisier, lui-même ébéniste et horloger autodidacte. Pour cette raison, rappelle David Landes dans sa belle histoire de la mesure du temps et des horloges L’Heure qu’il est, « les historiens des techniques soviétiques l’aimaient, parce qu’il représentait à leurs yeux le triomphe intellectuel du travailleur ». Au XIXème siècle, une méthode de navigation astronomique permettant d’établir la position d’un navire et de déterminer simultanément la latitude et la longitude à l’aide d’un sextant, d’un chronomètre, de tables nautiques et d’une carte de Mercator, a été développée. Inventée par le capitaine américain Thomas Summer, elle a été perfectionnée par le contre-amiral français Adolphe Marcq de Saint-Hilaire, qui a mis au point un procédé ingénieux pour son application et lui a attaché son nom. Cette méthode dite des « droites de hauteur » exploite le fait que l’ensemble des points d’où l’on relève un astre à une même hauteur à un moment donné forment un cercle sur la sphère terrestre. Sous certaines conditions, ce cercle peut être confondu avec sa tangente, qu’on appelle « droite de hauteur ». Les droites de hauteur peuvent être tracées sur la carte. La position du bateau coïncide avec l’intersection des droites résultant de deux relèvements effectués à des moments différents, par exemple au crépuscule et à l’aube : sur la carte, la droite correspondant au second relèvement est transportée parallèlement à elle-même pour tenir compte du chemin parcouru par le bateau entre les deux moments où le point a été fait. Le procédé de Marcq Saint-Hilaire implique de connaître la position estimée du navire. Une incontestable beauté poétique Bien qu’elle ait été supplantée par les techniques de navigation électronique, la méthode des droites de hauteur est encore enseignée aujourd’hui dans les écoles navales, et même employée à l’occasion par les marins. Il serait très dommage qu’elle tombe complètement en désuétude et dans l’oubli. Précieuses à connaître parce qu’une panne des équipements électroniques n’est jamais à exclure, les techniques de la navigation astronomique possèdent de surcroît une incontestable beauté poétique, liée à la fois à l’élégance des mathématiques auxquelles elles font recours et à la manière dont elles relient le marin à son environnement et à l’univers tout entier. C’est ce qu’exprime avec éloquence Deborah Cramer dans Great Waters, un livre sur l’océan Atlantique à la fois savant et élégiaque : « La navigation céleste situe le bateau au sein d’une mer d’étoiles […] La magie de la trigonométrie établit les correspondances, elle relie le transit des étoiles dans le ciel et le passage du temps, le passage du temps dans les cieux et la longitude sur les eaux […] Le GPS n’a pour nous aucune résonnance, aucun sens mythique [Même s’il s’avère] avec le temps plus précis et moins susceptible d’erreurs que de le plus compétent navigateur humain, en abandonnant le dôme du ciel, en nous retirant à l’intérieur du bateau [..] nous nous trouvons isolés et séparés, déconnectés du monde, ignorants des moyens par lesquels nous pouvons déterminer où nous sommes ». Dans la deuxième moitié de The Lost Art of Finding Our Way, John Edward Huth passe en revue d’autres éléments de l’environnement naturel qui peuvent aider les marins à s’orienter et dont ils doivent tenir compte lorsqu’ils naviguent : le vent, les nuages, les vagues, les marées et les courants. Le vent est le déplacement de l’air des zones de haute pression atmosphérique vers celles de basse pression. Les secondes coïncident avec les régions où, sous l’effet de la chaleur, l’air monte en altitude, les premières avec celles où, refroidi par son séjour dans les hautes couches de l’atmosphère, il redescend vers la terre. La chaleur, comme on l’apprend dans les classes de physique, se propage par rayonnement, conduction et convection. Le vent est essentiellement le produit de la convection : la circulation de l’air des régions froides vers les régions chaudes près de la surface de la terre, dans l’autre sens en altitude, ce trajet en boucle formant ce que l’on appelle une « cellule de convection ». À l’échelle locale, durant la journée, le vent souffle ainsi souvent de la mer, plus fraîche parce que l’eau se réchauffe plus lentement que la terre ferme, vers celle-ci. C’est la brise de mer. Durant la nuit, il souffle de la terre, qui s’est refroidie plus rapidement, vers la mer. C’est la brise de terre. À l’époque de la navigation à voile, les marins s’aidaient souvent de la brise de terre pour quitter une île. À l’échelle globale, trois cellules de convection se succèdent de l’équateur vers le pôle. Les vents le plus souvent engendrés dans une région donnée sont les vents dominants. Dans l’hémisphère nord, ils devraient normalement se diriger vers le sud dans les cellules situées à proximité de l’équateur et du pôle, et vers le nord dans la cellule intermédiaire. Mais l’air est entraîné par la force de Coriolis, force fictive engendrée par la rotation de la terre, qui tourne d’autant plus vite sur elle-même qu’on s’approche de l’équateur. S’exerçant perpendiculairement à la direction d’un corps en mouvement, cette force dévie le vent vers la droite dans l’hémisphère nord, vers la gauche dans l’hémisphère sud. Portés par les alizés Dans l’hémisphère nord, les vents tournent donc dans le sens des aiguilles d’une montre. À l’intérieur de la cellule de convexion la plus proche de l’équateur, les vents dominants se dirigent du nord-est vers le sud-ouest. Ce sont les « vents alizés ». Dans la cellule intermédiaire, ils soufflent du sud-ouest vers le nord-est. On les appelle les « vents d’ouest ». Les marins de l’époque de la navigation à voile ont mis à profit cette particularité pour traverser l’Atlantique, partant vers l’Amérique portés par les alizés et revenant en Europe poussés par les vents d’ouest. Dans le même esprit, les commerçants arabes exploitaient le renversement de la direction du vent en liaison avec la mousson pour traverser l’océan indien, navigant de la péninsule arabique au sous-continent indien en été avec l’aide des vents de mousson, qui soufflent vers le continent asiatique, et poussés dans l’autre sens au retour par les vents d’est hivernaux. Ce cas de figure est toutefois très rare dans le cas de voyages, non sur des mers connues, mais d’exploration. Les Vikings ont eu l’audace de s’aventurer dans l’inconnu en naviguant dans le sens du vent, en l’occurrence vers l’ouest, profitant des vents dominants qui, sous les latitudes nordiques, soufflent de l’est. Mais ils faisaient exception. Ainsi que le souligne Felipe Fernández-Armesto dans Pathfinders, vaste fresque de l’exploration à travers les âges, dans la plupart des cas, les marins explorateurs ont préféré naviguer contre le vent, « parce qu’il était aussi important pour eux de pouvoir revenir chez eux que de découvrir de nouvelles terres ». C’est contre les vents d’ouest, dominants en Méditerranée, que les navigateurs phéniciens et grecs ont entrepris leurs voyages sur la mer intérieure ; et contre les vents d’est, soufflant majoritairement aux latitudes sous lesquelles ils se déplaçaient, que les Polynésiens ont traversé le Pacifique et ont conquis celui-ci d’île en île. Le vent ne se caractérise pas seulement par sa direction, mais aussi par sa force, c’est-à-dire sa vitesse. Edward Huth évoque en passant l’échelle de Beaufort utilisée pour la mesurer. Échelle empirique comportant 13 degrés qui vont de « calme » à « ouragan » en passant par « brise » (cinq sortes de brise de force croissante), « vent », « coup de vent » et « tempête » (deux sortes de chaque catégorie), elle permet de quantifier la force du vent sur base d’indices qualitatifs de l’état de la mer, plus particulièrement l’aspect des vagues (la présence de crêtes, d’écume, de lames déferlantes, de tourbillons) ou, sur terre, de certains phénomènes aisément reconnaissables : « les drapeaux flottent au vent », « on entend siffler le vent », « tous les arbres balancent », etc. En dépit de son patronyme de consonance française, mais ainsi que l’indique son nom complet, Sir Francis Beaufort était un amiral anglais du XIXème siècle. Il n’est pas à proprement parler l’inventeur de l’échelle qui porte son nom, mais celui qui l’a établie sous la forme sous laquelle nous la connaissons, à partir de travaux de savants connus aujourd’hui seulement de quelques spécialistes, le géographe Alexander Dalrymple et l’ingénieur John Smeaton, travaux réalisés pour répondre à la question que posait l’écrivain Daniel Defoe dans son rapport sur la tempête qui dévasta l’Angleterre en novembre 1703 : « comment décrire le vent » ? L’échelle de Beaufort a été louée pour l’élégance des définitions qui la composent. « [Dans l’échelle de Beaufort] », écrit avec un enthousiaste lyrisme Scott Huler, un de ceux qui ont raconté son histoire, « le vent est décrit à la perfection - réduit à son essence […]. L’échelle de Beaufort est la quintessence de l’économie verbale, l’expression suprême d’une écriture concise, claire et puissante, 110 mots [au total]. En réalité, la description du vent dans l’échelle de Beaufort n’atteint pas seulement au plus haut niveau de possible de clarté. [.. ] En s’élevant à ce niveau, elle le dépasse pour devenir de la poésie ». Goethe et Constable Des commentaires admiratifs de même nature ont été formulés au sujet d’une autre réalisation cursivement évoquée par John Edward Huth, la classification des nuages. Telle qu’elle est établie aujourd’hui, la nomenclature des nuages comprend dix types de nuages différents, définis selon le modèle de classification de Linné en botanique et zoologie, c’est-dire répartis en espèces divisées en variétés, et baptisés de noms latins : cumulus, cumulonimbus, stratus, cirrus, etc. Cette nomenclature a été inventée au XIXème siècle par un pharmacien anglais quaker et météorologiste amateur nommé Luke Howard. Dans The Invention of Clouds, Richard Hamblyn fait le récit de cet épisode-clé de l’histoire de la météorologie, en montrant les répercussions qu’il a eues au plan artistique : Goethe, qui voyait dans la classification de Luke une illustration de ses vues sur la morphologie et l’unité de la nature, écrivit quatre poèmes en hommage aux principaux types de nuages et se fit l’ardent promoteur des travaux du météorologiste anglais dans le monde germanique, plus particulièrement auprès des artistes. Généralement avec succès, sauf dans le cas du peintre romantique David Caspar Friederich, qui refusa énergiquement de « forcer les nuages libres et aériens dans un ordre et une classification rigides », affirmant qu’une telle entreprise « sapait les fondements de la peinture de paysage dans sa totalité ». Les travaux de Luke Howard inspirèrent par contre le grand paysagiste anglais John Constable, dont les toiles témoignent de la fascination qu’il éprouvait pour les nuages. John Edward Huth donne également un aperçu des mécanismes de formation des fronts chauds et surtout des fronts froids, auxquels sont associés les orages et les précipitations, ainsi que des cyclones tropicaux, qu’on appelle aussi selon les cas « ouragans » ou « typhons ». On trouvera des informations plus complètes et systématiques sur ces sujets dans le récent ouvrage de l’océanographe Bruce Parker, The Power of the Sea, consacré à tous les phénomènes extrêmes dont la mer peut se montrer capable et aux moyens utilisés pour les prévoir et prévenir leurs conséquences : les tempêtes de toutes sortes, les « vagues scélérates », qui peuvent atteindre 30 mètres de creux, les cyclones et les tsunamis engendrés par des mouvements importants du plancher océanique sous l’effet de certains séismes ou d’éruptions volcaniques. Le livre, qui consacre de longs chapitres à l’ouragan Katrina et aux tsunamis de l’océan Indien en décembre 2004 et sur les côtes japonaises en mars 2011, fait une large part à l’histoire de l’océanographie. Le génie de Benjamin Franklin Bruce Parker attire ainsi notamment l’attention sur le génie du savant et homme d’État américain Benjamin Franklin et la contribution qu’il apportée à la connaissance de la mer. Ainsi qu’il est rappelé dans The Lost Art of Finding Our Way, Franklin s’est beaucoup intéressé au Gulf Stream, le courant marin chaud qui traverse l’Atlantique du sud-ouest vers le nord-est et adoucit le climat européen. Dans son beau livre sur l’Atlantique, Simon Winchester cite in extenso le passage d’une longue lettre dans laquelle Franklin, après avoir gratifié son correspondant d’une série de réflexions sur la conception des coques de navire, le guidage des ballons et les causes les plus fréquentes d’accidents en mer, raconte dans quelles circonstance il a, le premier, appréhendé le phénomène du Gulf Stream dans sa totalité. Franklin fut aussi le premier à réaliser qu’un ouragan est un système de vents en mouvement, et que la direction dans laquelle il se déplace n’est pas nécessairement celle du vent lui-même. Et il a étudié expérimentalement la manière dont les vagues sont produites par le vent. Parker et Huth traitent tous deux du phénomène des marées, pour lequel Galilée et Kepler proposèrent des théories partiellement vraies seulement, dont il revint à Newton de faire la synthèse : « Newton », résume bien Parker, « montra que les marées sont à la fois le produit de l’attraction gravitationnelle (comme suggéré par Kepler) et des forces centrifuges dans le système terre-lune (impliquant des accélérations du type de celles qui sont postulées dans la théorie de Galilée) ». Il faudra toutefois attendre Laplace pour voir produire la première description mathématique de la façon dont les océans répondent en termes hydrodynamiques au jeu des forces qui engendrent les marées. Comme Parker, John Edward Huth évoque aussi les « gyres océaniques », les gigantesques tourbillons de courants marins en rotation dans le sens horaire dans l’hémisphère nord et antihoraire dans l’hémisphère sud, sous l’effet de la force de Coriolis. Et il consacre tout un chapitre à la formation des vagues et de la houle, en montrant comment celles-ci peuvent aider la navigateur à s’orienter, par exemple en observant les phénomènes de réfraction et d’interférence qui se produisent à proximité de la côte et entre les îles, ou les effets de la houle sur le mouvement du bateau, ainsi que le faisaient les marins polynésiens : « En l’absence de terre, la houle fournit une boussole naturelle qui peut compléter la boussole stellaire et la boussole du vent [..]. Parce que les étoiles, les vents et la houle varient de manière prévisible en fonction des saisons, la combinaison des indices qu’ils fournissent aide la navigateur à se former une image cohérente de sa situation ». En hommage aux marins du Pacifique dont les exploits lui ont un peu servi de fil conducteur, John Edward Huth referme son livre sur le récit romancé des aventures de l’héroïne d’une légende des îles Gilbert, une femme navigatrice nommée Baintabu. Avant cela, il donne un aperçu de quelques aspects de la manœuvre des bateaux, plus particulièrement des bateaux à voile, importants dans le contexte parce qu’ils ne sont pas sans influence sur le calcul de la position à l’estime : la forme des coques de navire et le jeu des forces qui s’exercent sur le centre de gravité des corps flottants et leur centre de poussée ; les mouvements auxquels le bateau est soumis (tangage, roulis, lacet) ; les différentes vitesses auxquelles il peut se déplacer, inférieure, supérieure ou égale à la « vitesse de carène », pour laquelle la longueur d’onde de la vague engendrée par la progression du bateau coïncide exactement avec la distance entre la proue et la poupe ; et l’aérodynamique de la propulsion par les voiles (la portance, la traînée et la dérive), ainsi que les techniques de navigation contre le vent et les formes de voiles qui permettent de remonter le vent facilement. The Lost Art of Finding Our Way n’est pour autant ni un manuel de la navigation à voile comparable au Cours des Glénans, ni une histoire des gréements, des bateaux et de la marine. Ce n’est d’ailleurs pas non plus une encyclopédie complète des procédés de positionnement et d’orientation dans l’espace. Au début de l’ouvrage, John Edward Huth décrit l’usage de la boussole et des méthodes de triangulation sur la terre ferme, et procède à un examen critique des astuces fréquemment recommandées pour éviter de se perdre dans les bois ou les villes : l’observation de la mousse au pied des arbres, de l’orientation des églises et de celle des antennes paraboliques lorsque l’on connaît l’orbite du satellite vers lequel elles sont dirigées, toutes indications qui ne possèdent à ses yeux qu’une valeur statistique, et qu’il invite à utiliser avec prudence. Accéléromètres et gyroscopes Dans l’ensemble, cependant, son attention est fixée sur la navigation en mer. Le livre ne dit rien de certains moyens traditionnels utilisés pour se guider sur terre, par exemple ceux qu’utilisent les amérindiens d’Amazonie pour tracer leur chemin dans le lacis touffu de la dense forêt équatoriale, ou ceux qu’employaient les populations nomades dans leurs déplacements à travers les steppes et les déserts, basés en grande partie, comme ceux des marins, sur les étoiles, et pour les mêmes raisons : l’absence, dans un paysage uniforme à perte de vue, d’autres repères que les astres. L’ouvrage n’évoque par ailleurs la navigation aérienne que pour décrire la manière dont la trajectoire des avions dans le ciel et la position de leurs feux (rouge à bâbord, vert à tribord, comme dans le cas des bateaux), peut aider à s’orienter en mer. Il y aurait pourtant eu moyen d’en dire davantage. Durant les premières décennies de l’histoire de l’aviation, les pilotes recouraient à la navigation à vue et à la navigation à l’estime, mais aussi à la navigation astronomique : si étonnant que cela puisse sembler, ce n’est qu’assez récemment que les sextants ont disparu des cockpits des avions civils et militaires. Aujourd’hui, la navigation aérienne repose sur la combinaison de la radionavigation terrestre au-dessus des continents, de la navigation satellitaire en tous lieux et de ce qu’on appelle la « navigation inertielle », système extrêmement sophistiqué de navigation à l’estime basé sur l’utilisation d’un dispositif baptisé « centrale inertielle ». Constitué d’un assemblage d’accéléromètres et de gyroscopes, il permet de déterminer à chaque instant la position et la trajectoire de l’avion en fonction de son point de départ. Utilisé également pour le guidage des missiles, des vaisseaux spatiaux et de certains véhicules terrestres, ce système présente l’avantage d’être totalement autonome, puisqu’il ne nécessite le recours à aucune information extérieure. Sa présence à bord des avions permet donc de prévenir toute défaillance momentanée des systèmes de radionavigation terrestres et satellitaires. Lever les yeux vers le ciel Traiter tous ces aspects aurait toutefois démesurément gonflé un livre déjà très épais, que son auteur a de toute façon délibérément limité à la présentation des techniques de navigation reposant sur des instruments simples. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il ne dit rien non plus des systèmes de radionavigation en base terrestre comme le LORAN, longtemps assidûment employé par les marines militaires et commerciales et les plaisanciers, et ne donne aucune indication sur le fonctionnement des dispositifs de géolocalisation satellitaire actuellement en service comme le GPS américain et le russe GLONASS, ou en développement comme le système européen GALILEO. The Lost Art of Finding Our Way ne peut par ailleurs pas être considéré comme un véritable guide pratique de la navigation à destination des marins amateurs et des adeptes de l’excursion en mer, un « guide des égarés », pour emprunter en conférant un tout autre sens à l’expression le titre du fameux ouvrage du philosophe médiéval Moïse Maïmonide. La perspective de l’ouvrage demeure en effet essentiellement informative et documentaire, et son contenu est trop général pour pouvoir servir de base aux nombreux exercices sur le terrain indispensables pour apprendre à maîtriser les connaissances et les techniques décrites ou mentionnées. Dans l’ensemble, The Lost Art of Finding Our Way est cependant une incontestable réussite. À en juger par la réception dont l’ouvrage a fait l’objet, et son appréciation par la critique, John Edward Huth semble avoir de sérieuses chances d’atteindre l’objectif qu’il s’est fixé : inciter ses lecteurs à lever les yeux de l’écran de leur GPS pour les diriger vers le ciel étoilé et, plus généralement, vers le spectacle de l’environnement naturel dont l’étude attentive a permis à des centaines de générations d’hommes d’entreprendre des voyages dont l’audace fait aujourd’hui notre admiration. Peu d’entre eux se lanceront sur les traces de ces intrépides explorateurs ; et pour simplement apprendre à trouver leur chemin en territoire inconnu sans l’assistance de dispositifs sophistiqués, et à le retrouver lorsqu’ils se sont perdus, l’information contenue dans le livre n’est certainement pas suffisante. Mais outre que sa lecture procure les joies et l’excitation d’une espèce d’aventure, livresque et immobile, certes, mais passionnante à sa manière, The Lost Art of Finding Our Way est un ouvrage dont on sort avec à la fois les moyens de voir le monde différemment et une forte inclination à le regarder d’un autre œil. N’est pas la définition d’un bon livre ? Michel André
LE LIVRE
LE LIVRE

L’art oublié de trouver son chemin de Naviguer sans GPS, The Belknap Press

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