Les victimes de l’Éventreur
Publié le 16 mai 2019. Par Amandine Meunier.
Le dossier le plus consulté des archives nationales britanniques est celui de « Jack l’Éventreur ». On ne compte plus les livres de fiction et les travaux d’historiens lancés sur la piste du mystérieux meurtrier. « Mais jusqu’à aujourd’hui personne n’avait pris la peine d’en savoir plus sur ses victimes », note la critique britannique Frances Wilson dans The Guardian. Elle considère The Five, le livre que l’historienne Hallie Rubenhold consacre aux cinq victimes « canoniques » de l’assassin de Whitechapel, comme « un ouvrage historique important annonçant la fin de la misogynie qui a nourri le mythe de l’Éventreur ».
La vie des victimes
Quelles vies ont mené Mary Ann « Polly » Nichols, Annie Chapman, Elizabeth Stride, Catherine Eddowes et Mary Jane Kelly ? Comment ont-elle atterri seule et sans le sou dans ce quartier misérable de Londres ? Hallie Rubenhold a mis au jour la vie de ces femmes en traquant la moindre mention de leurs noms dans les enquêtes du coroner (dont trois ont disparu), dans la presse, dans les registres paroissiaux, dans les comptes rendus d’audience, dans les actes de naissance, de mariage et de décès, dans les archives des hospices de Londres… Elle ressuscite tout le contexte social de l’époque victorienne et notamment les difficultés de la classe ouvrière aux prises avec la brutalité de la société mise en place par la révolution industrielle.
La fausse piste du sexe
Polly Nichols dormait dans un village de tentes sur Trafalgar Square et exerçait la mendicité. Annie Chapman était l’épouse d’un cocher travaillant pour une famille aristocratique. Elizabeth Stride était une immigrée suédoise, une arnaqueuse, qui avait travaillé dans de très bonnes maisons. Kate Eddowes faisait de la vente ambulante de livres. Mary Jane Kelly, était la seule, contrairement à la croyance populaire, à se prostituer. D’ailleurs selon Rubenhold, l’Éventreur ne les aurait pas « choisies » parce qu’elles vendaient leur charmes mais parce qu’elles étaient ivres et, à l’exception de Kelly, qu’elles dormaient dans la rue.
« L’alcoolisme était une facteur bien plus important dans leur vulnérabilité que leur comportement sexuel ; le sexe était juste bien plus excitant à raconter pour les journalistes de l’époque, note l’écrivain Jad Adams dans la Literary Review. C’était aussi une manière d’incriminer les victimes : celles que l’Éventreur trucidait avaient en quelque sorte mérité leur sort à cause de leur vie immorale. »
À lire aussi dans Books : Comment la Suède s’inventa un serial killer, mai 2014.