Les vices de la connaissance
Publié le 6 juin 2019. Par Amandine Meunier.
Pour le philosophe kenyan Quassim Cassam, la guerre d’Irak, l’élection de Donald Trump, le Brexit… sont en partie dus aux « vices épistémiques », des biais intellectuels qui nous touchent tous autant que nous sommes. Dans son dernier livre Vices of the Mind, « il propose une théorie philosophique et une taxonomie de ces travers, explore les raisons de leur existence, notre responsabilité et la manière de les reconnaître et de les dépasser. Pour ce faire, il puise largement dans la philosophie, la psychologie et la sociologie », note le philosophe Matthew Simpson dans The Times Literary Supplement.
Des vices rendant moins sensible aux preuves
Ces vices vont de l’arrogance à l’imperméabilité aux preuves, en passant par l’inaptitude à reconnaître ses erreurs, mais aussi la crédulité, l’arrogance… « La plupart des vices dont parle Cassam font obstacle à la connaissance en nous rendant moins sensibles aux preuves : elles nous font ignorer, mésuser ou négliger des preuves ou même simplement nous incite à ne pas les chercher », précise Simpson. Pour Cassam, nos jugements doivent se fonder sur des preuves, et ceux qui ne le sont pas ont toutes les chances de se révéler faux. Lui-même en a fait l’expérience lors du référendum sur le Brexit, ajoute Simpson. Cassam prédisait alors la victoire du « Remain », victime de ses propres illusions.
Mépris de la vérité
Cassam nous met particulièrement en garde contre un vice qu’il appelle l’« insouciance épistémique » et qui consiste à faire des affirmations sans se soucier de leur véracité. Il ne s’agit pas d’un mensonge. Le menteur sait que ce qu’il dit est faux. Dans le cas de l’insouciance épistémique, la personne se moque que son affirmation soit vraie ou fausse. Elle méprise la vérité, tout comme elle méprise, la preuve, les experts et s’il s’agit d’un homme politique, les citoyens.
Selon Cassam, ces biais font partie de notre personnalité. C’est ce qui les rend si difficile à combattre et à corriger. « Le seul espoir pour une société qui se préoccupe du savoir et de la connaissance est d’armer ses citoyens des moyens intellectuels nécessaires à distinguer la vérité des mensonges », assure-t-il. Ce qui laisse dubitatif l’écrivain Steven Poole dans New Statesman : « Comment une société peut-elle s’organiser dans ce but, si, comme Cassam l’a largement démontré, ses dirigeants sont eux-mêmes victimes des pires vices épistémiques et mènent des politiques conduisant à la fermeture des bibliothèques et l’appauvrissement intellectuel de la population ? ».