Publié dans le magazine Books n° 26, octobre 2011.
Composé de deux épais volumes se déployant sur plus de 1 400 pages, le dernier livre du philosophe britannique Derek Parfit a de quoi intimider le lecteur le plus aguerri. Sa parution est pourtant accueillie avec un enthousiasme presque unanime dans le petit monde des spécialistes d’éthique et de philosophie morale. Parfit, professeur émérite à l’université d’Oxford, est régulièrement présenté comme l’un des auteurs les plus influents de la discipline, bien qu’il ait très peu publié : On What Matters, fruit de quinze ans de travail, est son deuxième livre…
Composé de deux épais volumes se déployant sur plus de 1 400 pages, le dernier livre du philosophe britannique Derek Parfit a de quoi intimider le lecteur le plus aguerri. Sa parution est pourtant accueillie avec un enthousiasme presque unanime dans le petit monde des spécialistes d’éthique et de philosophie morale. Parfit, professeur émérite à l’université d’Oxford, est régulièrement présenté comme l’un des auteurs les plus influents de la discipline, bien qu’il ait très peu publié :
On What Matters, fruit de quinze ans de travail, est son deuxième livre.
Imposante par le volume, cette somme l’est aussi par l’ambition théorique. Parfit prétend démontrer que les jugements moraux, au lieu d’exprimer des préférences subjectives, peuvent être vrais ou faux – donc que la morale est objective et sa portée universelle. Une position aujourd’hui minoritaire et « passée de mode depuis l’essor du positivisme logique dans les années 1930 », souligne le philosophe Peter Singer dans le
Times Literary Supplement. Parfit n’en démord pourtant pas et soutient que les vérités morales sont connues par intuition, mais « non pas au sens de faculté quasi sensorielle, précise Singer. Nous finissons par considérer que nous avons des raisons de faire certaines choses comme nous finissons par considérer que deux et deux font quatre ». Au risque de négliger ce que peuvent avoir de varié et d’irrationnel nos sentiments moraux ?
C’est manifestement le point de vue de Simon Blackburn dans le
Financial Times : rappelant que les développements récents de la psychologie révèlent la part essentielle que jouent les émotions dans la genèse de nos opinions morales, il juge l’intellectualisme de Parfit pour le moins incongru et compare le livre à un « Titanic naufragé avant même d’avoir quitté le port »*.
* Sur ce sujet, lire
« L’instinct moral est inné », dans notre numéro de mai 2010.