Autopsie d’une banqueroute
Publié dans le magazine Books n° 51, février 2014.
De l’avis général, le livre de Iain Martin est le meilleur de tous ceux qui ont été consacrés à ce jour à la quasi-faillite, en 2008, de la Royal Bank of Scotland (RBS). Cet ancien rédacteur en chef au Scotsman connaît parfaitement les arcanes de l’establishment écossais. Il fut un témoin privilégié de l’euphorie qui régnait à Édimbourg à l’aube des années 2000. Siège d’un nouveau Parlement autonome, la ville grouillait d’investisseurs ; les magasins de luxe fleurissaient et l’immobilier flambait. « On aurait dit qu’un nouvel âge d’or était sur le point de commencer, soutenu par les banques », écrit Martin. C’est à cette époque que Fred Goodwin, entré comme numéro 2 à la RBS en 1998, entreprit de dépoussiérer l’institution. À coups d’acquisitions (dont celle, ruineuse, d’ABN Amro, en 2007), il fit du vénérable établissement l’une des plus grandes banques du monde. « Obsédé par des détails insignifiants, Goodwin n’a jamais pleinement saisi les risques encourus par sa banque », rapporte The Economist, qui décrit un manager brutal, venu sur le tard au métier de banquier, dont il n’avait qu’une connaissance limitée. Goodwin pouvait humilier le plus chevronné de ses cadres pour des broutilles, mais il aurait été incapable, selon Martin, d’expliquer les mécanismes des produits dérivés complexes, à l’origine de la crise. Si lourde qu’ait été la responsabilité du dirigeant (RBS a été renflouée à hauteur de 45 milliards de livres par l’argent du contribuable), elle n’était certainement pas unique. Comme le relève le Sunday Times, à chaque étape de son ascension, les régulateurs ont eu « quantités d’occasions de juguler Goodwin » – qu’ils n’ont jamais saisies.