Le caractère des ultras

Les ultras, les supporters italiens de foot les plus violents, quelle que soit l’équipe qu’ils encouragent, rédigent leurs banderoles avec la même police de caractères, Ultra Liberi. Elles sont repérables au premier coup d’œil quand les caméras de télévision s’attardent sur la curva, le fameux “virage” dans les tribunes derrière les buts. Cette typographie est aussi sortie des stades, adoptée par des groupes politiques d’extrême-droite qui se mélangent allégrement aux ultras. En 2019, le président de la Ligue du Nord et alors ministre de l’Intérieur Matteo Salvini refusait ainsi d’intervenir pour empêcher un groupe d’ultras de l’AC Milan de rendre en plein match un hommage à l’un de ses membres et néonazi notoire.

Néofascisme et football

Dans Ultra, le journaliste britannique Tobias Jones « montre que les ultras néofascistes, avec leur conception obsessionnelle du territoire, de l’identité vestimentaire et de l’ordre sont à l’avant-garde des discours racistes et de la violence qui s’expriment en Italie », note l’écrivain Mark Glanville dans The Spectator. Jones a déjà à son actif cinq livres sur l’Italie et tous en décrivent la face sombre. Cette fois, il retrace l’histoire des ultras depuis leur naissance dans les Années de plomb, sans omettre leur violence et les morts dont ils sont responsables, leurs liens avec la mafia et la politique, mais sans pour autant verser dans la caricature. « Jones a décidé de raconter une histoire nuancée et complexe », précise John Foot dans The Times Literary Suplement. Il évoque ainsi longuement les ultras de l’équipe de Cosence en Calabre, qui, résolument antifascistes, brandissent des bannières souhaitant la bienvenue aux réfugiés et s’impliquent dans des œuvres caritatives.

La visibilité des ultras

Avec ce contre-exemple, Jones montre qu’au fond « ce qui compte pour les ultras est de se démarquer, de se rendre visibles », souligne l’essayiste Tim Parks, un autre connaisseur des mœurs transalpines dans The Guardian. « Ils vont collecter des fonds pour une victime ou réclamer l’arrêt d’un match après un accident mortel, parce que cela embarrasse les autorités. Mais ils peuvent aussi se lancer dans des chants racistes, ou dérouler une bannière célébrant un membre du groupe emprisonné pour des violences racistes », rappelle-t-il.

LE LIVRE
LE LIVRE

Ultra de Tobias Jones, Head of Zeus, 2019

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