Maïmonide, le juif perplexe

Moïse ben Maimon est né en 1138, à Cordoba. « Les juifs avaient prospéré là sous la dynastie musulmane des Omeyyades depuis le Xe siècle, et la famille de Maïmonide, ainsi que ses précepteurs, étaient des piliers de la communauté locale », écrit le spécialiste d’études juives David Flatto en rendant compte, dans la revue américaine Commentary, d’un nouvel ouvrage sur le théologien philosophe juif  (1). « Dans l’atmosphère culturelle unique de l’Andalousie d’alors, musulmans et juifs combinaient l’étude de la tradition avec celle du savoir séculier, poésie, sciences de la nature, mathématiques, médecine et philosophie. » Mais alors que Moïse était dans sa onzième année, Cordoue tomba aux mains des Almohades, une secte venue du Maroc. Face au choix de se convertir à l’islam où d’être passée par l’épée, la famille de Moïse s’enfuit. Il passa son adolescence et sa jeunesse dans différentes villes d’Espagne puis à Fès, où il reçut sa formation médicale. Après quelques aventures, dont une incursion en Palestine, la famille s’installa près du Caire. Moïse avait alors 27 ans. Il y vécut le reste de ses jours, sous l’autorité bienveillante du vizir, dont il devint le médecin attitré et qui l’entretint avec les honneurs qu’il méritait. Maïmonide fut célèbre de son vivant. Depuis, sa figure n’a cessé de dominer l’histoire intellectuelle et religieuse juive. En 1935, l’historien Salomon Zeitlin y voyait « le plus grand savant que les juifs aient produit depuis l’achèvement du Talmud ». Les juifs n’ont cessé de le considérer comme « toujours vivant » et de « se tourner vers lui chaque jour pour rechercher son avis et son conseil face à toutes leurs difficultés pratiques et théoriques », écrivait au début du XXe siècle l’auteur sioniste Ahad Ha’am. Le personnage est d’autant plus fascinant qu’il est double. D’un côté, il est l’auteur du Mishné Torah, un monument de quatorze livres en hébreu, où il reformule entièrement la loi juive, avec pour objectif d’en faire un code populaire capable de s’imposer à tous. De l’autre, il est un philosophe rationaliste, auteur d’un ouvrage d’un style tout différent, écrit cette fois en arabe : Le Guide des égarés, que les anglophones traduisent peut-être plus justement par le « Guide des perplexes ». Les perplexes sont ceux qui, à son exemple, sont autant fidèles à la foi qu’à la raison, à l’enseignement de la philosophie qu’à celui de la religion, et s’en trouvent quelque peu tiraillés. Le « Guide des perplexes » est un livre difficile, parfois ésotérique. Pour David Flatto et bien d’autres, c’est un des chefs-d’œuvre de la philosophie médiévale.  
Maïmonide, Le Guide des égarés, Maisonneuve et Larose, 2003.

Notes

(1) Joel L. Kraemer, The Great Eagle. Maimonides, the Life and World of one of Civilization’s Greatest Minds (« Le grand aigle. Maïmonide, la vie et le monde de l’un des plus grands esprits de la civilisation »), Doubleday, 2008.

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