Un écrivain chez les damnés de la terre

Exilé par Mussolini dans un village troglodytique de l’Italie méridionale, Carlo Levi découvre avec stupeur le dénuement extrême dans lequel vivent les paysans du cru. De cette immersion parmi les déshérités il tirera un livre qui fera scandale – et transformera profondément la région.


Antifasciste, Carlo Levi est condamné en 1935 au confino à Aliano, dans la Basilicate. Il se lie avec les habitants (ici en 1960), qui lui inspirent un roman et des peintures. © Mario Carbone

Plongé dans son Jacuzzi, le riche touriste visitant Matera, dans la région italienne de la Basilicate, peut contempler depuis sa grotte-spa l’un des plus beaux spectacles d’Europe : la dégringolade de maisons troglodytiques et d’églises le long des falaises des Sassi. Mais sait-il, le touriste béat, que la pièce où il se prélasse abritait, jusque dans la seconde moitié du XXe siècle, plusieurs générations d’une même famille, grands-­parents, parents et enfants dans le même lit, les nouveau-nés suspendus au-­dessus, les chèvres, les cochons, les poules, en dessous ? Ces paysans, alors sans doute les plus pauvres d’Europe, enduraient la faim, la malaria endémique et bien sûr, toutes sortes de zoonoses. Pas d’eau, pas de lumière, pas de pain, pas de chauffage, les détritus jetés directement dans la rue (sauf les excréments humains, utilisés comme engrais). Pauvre Mezzogiorno !

Or cette saisissante transformation d’un emblème de la pire misère en paradis touristique, c’est ...

LE LIVRE
LE LIVRE

Le Christ s’est arrêté à Éboli de Carlo Levi, Gallimard, 1948

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