Dans les poches des femmes

En 1777, Jane Griffith vole deux canards à Thomas Wainwright. En traversant un champ, elle attrape les animaux et les fourre tout simplement dans ses poches. Porter des poches suffisamment grandes pour y ranger autre chose qu’un mouchoir n’avait rien d’exceptionnel pour les femmes de l’époque. À partir du XVIIe siècle et pendant plus de 200 ans, elles étaient un accessoire incontournable du vestiaire féminin. Elles prenaient la forme d’un ou deux sacs oblongs noués autour de la taille grâce à un lien. Les canards restent cependant l’un des objets les plus insolites, avec le placenta d’un enfant illégitime et un microscope miniature, trouvé dans les poches des femmes par l’universitaire Barbara Burman et l’historienne Ariane Fennetaux.

Toutes les femmes en portent

Pour leur livre The Pocket, elles ont fouillé les archives britanniques (minutes des tribunaux, journaux, livres de comptes, inventaires, correspondances…) et réuni plus de 350 spécimens de poches féminines. « Ce qui les a particulièrement intéressé est la façon dont les femmes de toutes les conditions ont utilisé ces poches comme une sorte de partie du corps supplémentaire pour les aider à se faire une place dans un monde qui n’était pas conçu pour elles », note Kathryn Hugues dans The Guardian.

Argent, crayons, nécessaire de couture, livres, gâteaux, souvenirs… C’est un véritable petit monde que les femmes gardaient toujours sur elles. Et que les matrones prudentes déposaient sous leur oreiller avant de se coucher, histoire d’éviter le chapardage des domestiques, apprentis et autres locataires de la maisonnée.

Précieuses poches

« Les poches étaient quelque chose de précieux, souligne encore Hugues. Georgina, duchesse du Devonshire, faisait faire les siennes dans la soie la plus fine. Les filles de la bourgeoisie peinaient sur les leurs, leur fabrication se transformant en une leçon de minutie et de patience. Et les femmes de classes laborieuses, elles, reprisaient et rapiéçaient inlassablement les leurs. » Une chose n’était pas permise : porter ses poches par-dessus ses vêtements. Un geste considéré d’une grande indécence, car associé à la malhonnêteté et à la disponibilité sexuelle.

À lire aussi dans Books : Coco Chanel, portrait d’une femme hors norme, septembre-octobre 2017

LE LIVRE
LE LIVRE

The Pocket : A Hidden History of Women’s Lives (1660-1900) de Barbara Burman et Ariane Fennetaux, Yale University Press, 2019

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