Faites de Books un réseau social !

Fort de ses deux milliards d’utilisateurs régu­liers, Mark Zucker­berg a modifié la formule exprimant la « mission » de Facebook. Jusqu’ici, c’était « rendre le monde plus ouvert et con­necté ». Et maintenant, « donner aux gens le pouvoir de construire une communauté et nous rapprocher les uns des autres » (bring the ­world closer toge­ther). Allons donc ! C’est une plaisanterie. L’objet de Facebook est de faire de l’argent. That’s all ! Tous les grands réseaux sociaux sont conçus dans le même but : permettre aux entreprises de cibler leurs clients de manière de plus en plus en fine et immédiate. Zuckerberg semble penser que sa nouvelle devise est susceptible de séduire ses deux milliards d’amis. Pour conforter son empire, il mise sur notre crédulité. « Nous ne souffrons que d’une chose : la Bêtise. Mais elle est formidable et universelle », assénait Flaubert. D’accord, la misanthropie mène à la colère, la colère à l’exagération. Et puis la bêtise est comme l’intelligence, protéiforme. Gardons-nous de généraliser. Mais de fait, quel formidable marché ! Ce mot de « marché » doit s’entendre dans le sens le plus large. Cela va bien au-delà des ruses de l’exploitation commerciale, une main invisible qui s’ajoute à l’autre et la pervertit. On l’a vu avec la victoire de Donald Trump, les réseaux sociaux sont désormais l’outil privilégié de l’intoxication politique. Ils véhiculent les fake news avec une efficacité déconcertante. Ils facilitent la tâche des fanatiques. Ils servent les inté­rêts des dictateurs et autres dirigeants à prétentions totalitaires. Dans nos démocraties, ils favorisent la tentation de la surveillance. La chose est maintenant avérée, ils contribuent à renforcer les préjugés, les poncifs et les croyances collectives. Ils accentuent la polarisation des orientations idéologiques et des partis pris. Dans le domaine des biens culturels, ils privilégient la gra­tuité et sapent les revenus des créateurs. Ils déstabilisent l’économie de production d’une information de qualité. Peu avant la victoire de ­Trump, un membre de son équipe ­déclara : « Si The New York Times avait une quelconque importance, nous ­serions à 1 % dans les sondages. » La mauvaise monnaie chasse la bonne. L’intelligence critique a toujours été mise à mal. Songeons à Socrate, mis à mort par la démocratie athénienne. Les périodes noires ont succédé aux périodes noires. Sans cesse l’hydre de l’obscurantisme voit ses têtes repousser. Mais n’est-il pas malheureux que les brillants progrès de l’humanité en termes de niveau de vie, de savoir et d’instruction aboutissent à une situation aussi lamentable ? M’en voudrez-vous si je plaide pour ma paroisse ? Books fait partie des quelques refuges de l’indépendance d’esprit, en France et ailleurs. Ces ­refuges valent d’être cultivés. Pour ce qui est de Books, notre seul atout, qui nous a permis jusqu’ici de survivre – bientôt dix ans ! –, c’est la fidélité de nos abonnés. Hélas pas assez nombreux ! C’est bientôt Noël, paraît-il. Une idée simple : faites de Books un réseau social ! Offrez un abonnement à un proche, voire à plusieurs ! C’est un cadeau de bon goût, et de ­pressante actualité. La bonne monnaie peut chasser la mauvaise. ­Démontrons-le ensemble.

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