Ne diabolisons pas les espèces invasives !

À l’heure du changement climatique, la distinction traditionnelle entre espèces autochtones et espèces exotiques est à repenser de fond en comble. Les espèces invasives ne sont pas forcément à éradiquer, et celles que le réchauffement contraint à se déplacer méritent d’être protégées.


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L’arbre à carquois ou faux dragonnier, espèce endémique d’Afrique australe, est abondant en Afrique du Sud mais en cours de raréfaction dans la Namibie voisine.

Ces dernières années, les chercheurs ont répertorié un nombre incalculable d’espèces que le changement climatique contraint à migrer vers les pôles, les sommets des montagnes ou les profondeurs des océans. Les arbres à feuillage caduc (saules, bouleaux, aulnes) se sont multipliés dans la toundra du Bas-Arctique. Des poissons-perroquets et des sigans aux couleurs vives venus des tropiques ont élu domicile dans les forêts de kelp de la ­Méditerranée orientale, des zones sous-marines peuplées de macroalgues brunes. Des coraux corne d’élan, originaire des Caraïbes, colonisent désormais les fonds marins au large de l’île de ­Galveston, au Texas.

La tendance devrait se poursuivre avec l’aggravation de la crise climatique. Des espèces qui ont pour nos sociétés une ­valeur marchande, culturelle ou récréative devront changer d’aire de répartition pour survivre. « C’est tout le spectre du capital naturel, de l’esthétique à l’économie, qui va se déplacer », prédit Brett Scheffers, écologue à l’Université de Floride.