À Santiago du Chili, au début des années 1970, Ariel Dorfman était conseiller culturel du président Salvador Allende. Il y avait de la ferveur révolutionnaire dans l’air, et Dorfman, comme il l’écrit dans son autobiographie, ressentait « le vertige de ces quelques grands moments de l’existence où l’on sait que tout est possible »
1.
Il écrivait de tout, des poèmes, des rapports, des bandes dessinées pour enfants, des jingles radiophoniques. Son œuvre la plus marquante de cette époque est un livre intitulé
Para leer al Pato Donald. Comunicación de masas y colonialismo (« Comment lire Donald. Communication de masse et colonialisme »), signé avec le sociologue belge Armand Mattelart. Aux États-Unis, Disney était surtout connu pour ses films et ses parcs d’attractions, mais, à l’étranger, ses bandes dessinées étaient très lues. Au Chili, Donald était de loin le personnage de Disney le plus connu. Mais Dorfman et Mattelart soutenaient qu’il était un porte-parole de la réaction, destiné à calmer les ardeurs révolutionnaires, à encourager la passivité et à minimiser les méfaits du colonialisme. Quel exemple donnait-il, ce canard eunuque qui ne courait qu’...