Écrire le vacarme des favelas

Carolina Maria de Jesus, née en 1914, est l’une des premières écrivaines noires du Brésil à avoir vécu une grande partie de sa vie dans la favela du Canindé, au nord de São Paulo. Elle subvenait à ses besoins et à ceux de ses trois enfants en ramassant des papiers qu’elle revendait pour acheter de la farine ou des haricots. Son livre Le Dépotoir, paru en 1960 (en français chez Stock en 1962), qui relate son quotidien de femme noire dans la misère de la favela, a été un phénomène littéraire exceptionnel au Brésil et au-delà. Elle écrivait pendant que le dîner mijotait, une fois les tâches quotidiennes terminées. Fréquemment interrompue, elle commentait une bagarre, la musique s’échappant d’un autre baraquement, les cris de plaisir des voisins. Le manque d’intimité gênait la concentration nécessaire à l’écriture. Le 21 juillet 1955, elle note dans son journal : « J’ai lu un peu. Je ne sais pas m’endormir sans lire. J’aime feuilleter un livre. Le livre est la meilleure invention de l’homme. »