« Elle dit qu’elle est au régime… et se ressert de fromage »

Comment communiquer sur la crise de l’euro ? C’est bien connu, les questions monétaires sont affaires de confiance, d’anticipation, de pari. La finance est pascalienne. De là qu’en cette matière, la communication joue un rôle essentiel.

Tous les économistes en conviennent, à commencer par les deux derniers prix Nobel : si l’Europe se dote d’une réserve fédérale suffisante, elle peut dissuader la spéculation sur les incertitudes de ses dettes souveraines et les faiblesses de son système financier.

Autrement dit, quand les banques et les États peuvent ultimement se refinancer auprès de la Banque Centrale, les spéculateurs ont moins d’intérêt à faire flamber les taux. Mais bien entendu, c’est du poker menteur : si les spéculateurs sentent que la banque centrale joue petit bras, ils ont intérêt à l’affaiblir. De là l’importance, défendue par la France, de doter le FESF (Fonds Européen de Stabilité Financière) de ressources suffisantes pour dissuader la spéculation et abaisser effectivement le taux de refinancement des banques et des États. En gros, le FESF doit permettre de d’abandonner 50% de la dette grecque sans faire flamber le taux de refinancement de ses créanciers. Le diable est ici dans les détails, autrement dit, dans la conditionnalité des refinancements de la Banque Centrale.

Face à cela, les Allemands veulent que les États endettés s’engagent à plus de rigueur avant d’accorder la souplesse du refinancement. Ils rechignent donc à annoncer des facilités supplémentaires de peur que celles-ci ne soient utilisées mal à propos et renchérissent encore le coût de la spéculation. C’est leur position depuis le depuis le début de la crise, et devant l’autoréalisation constante de ce qu’ils cherchent à éviter, ils n’avancent qu’à reculons. Madame Merkel incarne cette stratégie, qui a finalement fait voter à une large majorité le dernier plan européen de soutien à la Grèce. Tant il est vrai qu’une sortie de la Grèce de l’euro entraînerait des pertes massives dans tous les pays de la zone, y compris en Allemagne.

Surmoi

Face à elle, le Président français campe le volontarisme. Il le fait, on s’en doute, avec les défauts qu’on lui prête, mais aussi avec un surmoi dont la manifestation ne laisse d’étonner. Dernier écho en date, il se répandrait à tort et à travers au sujet de ses déjeuners avec Madame Merkel : « Elle dit qu’elle est au régime… et se ressert de fromage. » Pour Arnaud Leparmentier, correspondant du Monde à l’Elysée qui consacre son blog aux écarts diplomatiques du Président, il s’agirait d’une naïveté, d’un propos enfantin qui prête à rire dans le milieu. Du point de l’économie pourtant, c’est une très bonne description de la position allemande. Peut-être la meilleure qui soit.

L’énigme de ce Président est que sa communication est incroyablement inconsciente. Quand Sarkozy parle, peut-être même aussi quand il agit, c’est son inconscient qu’on entend. Cet inconscient qui l’a fait élire une fois, parviendra-t-il à le faire réélire ?

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