Éloge d’un grand incorrect
Publié dans le magazine Books n° 14, juillet-août 2010.
La réédition en anglais d'un roman mineur de Montherlant pose la question de savoir pourquoi l'auteur des Jeunes Filles est à ce point discrédité.
Montherlant reviendrait-il à la mode ? La maison d’édition de la New York Review of Books ayant ressorti Le Chaos et la Nuit, une œuvre mineure, B.R. Myers, qui s’était fait remarquer en 2001 avec son « Manifeste d’un lecteur », attaque en règle contre la « prétention de la littérature américaine », en profite pour faire l’éloge de la tétralogie Les Jeunes Filles, « superbement » traduit en 1968 et qui n’est plus sur le marché (en France, la dernière édition disponible sur Amazon date de 1972). Costals, le héros, est un écrivain qui réussit vaillamment à échapper à l’« Hippogriffe », autrement dit au mariage. Considéré depuis Simone de Beauvoir comme un monument de machisme, ce roman devenu très incorrect ne mérite pas son indignité, écrit Myers dans une longue analyse publiée par The Atlantic.
Les personnages féminins sont décrits avec « sympathie et respect ». L’ironie de Costals, aussi bisexuel que son créateur, est autant dirigée contre les mâles que contre les femelles. Il y aurait même davantage de « misandrie » que de misogynie chez cet auteur dont le suicide, en 1972, plaide en faveur d’une profonde « honnêteté ». Bref, soupçonne, R.R. Myers, si c’est Le Chaos et la Nuit et non Les Jeunes Filles qui a été réédité, c’est probablement qu’il « risquait moins d’offenser quiconque ».