En Inde, les habits neufs de la discrimination
Publié dans le magazine Books n° 14, juillet-août 2010.
L’Inde possède une longue tradition de discrimination positive dans l’enseignement et la fonction publique : les premières mesures en faveur de l’éducation des intouchables (les dalit) y furent instaurées dès le XIXe siècle par les Britanniques. Elles débouchèrent sur un système de quotas (reservations), toujours en vigueur. Mais certains estiment aujourd’hui que ce système a fait son temps, arguant notamment de l’amélioration de la condition de certaines basses castes. À ceux-là, « Blocked by Caste devrait faire l’effet d’une révélation », estime Latha Jishnu. Cet ensemble d’essais universitaires établit, aux yeux de la journaliste du Business Standard, la preuve que « l’exclusion sociale et économique des dalit (et des musulmans) reste omniprésente au sein d’une nation qui parle le langage de la méritocratie, mais s’est montrée incapable de se débarrasser des préjugés de castes ».
En témoigne la manière dont les basses castes restent pénalisées sur le plan économique. L’ouvrage a notamment le mérite de s’intéresser à la situation des métropoles, quand les recherches sur le sujet se sont jusqu’à présent concentrées sur les zones rurales. « Il existe un mythe selon lequel la caste ne compte pas en milieu urbain. Grâce à l’anonymat des grandes villes, avec l’instruction et la mobilité professionnelle qui l’accompagnent, les pratiques discriminatoires traditionnellement liées à la caste disparaîtraient », rappelle Madhura Swaminathan dans The Hindu. Plusieurs études publiées dans le livre démentent cette thèse. Les chercheurs ont ainsi utilisé des méthodes de « testing » : ils ont répondu pendant plus d’un an à des offres d’emploi parues dans les grands journaux anglophones en envoyant trois CV équivalents en termes de qualification et d’expérience, l’un sous un nom typique des castes supérieures hindoues, les deux autres sous des noms musulmans et dalit.
Résultat : « Pour dix candidats hindous sélectionnés pour un entretien, seulement six dalit et trois musulmans furent contactés. » Une autre expérience a été menée auprès des directeurs des ressources humaines de vingt-cinq grandes entreprises basées à New Delhi. Si tous ont assuré aux enquêteurs ne pas tenir compte de la caste, ils ont aussi exprimé la « conviction que le mérite tend à être distribué en fonction des castes et des régions ! », souligne Jishnu qui estime que de tels constats pourraient se révéler « extrêmement utiles pour les responsables politiques ». Pour Swaminathan, ils posent clairement la question de savoir s’il ne faudrait pas étendre le système des quotas aux entreprises privées.
En témoigne la manière dont les basses castes restent pénalisées sur le plan économique. L’ouvrage a notamment le mérite de s’intéresser à la situation des métropoles, quand les recherches sur le sujet se sont jusqu’à présent concentrées sur les zones rurales. « Il existe un mythe selon lequel la caste ne compte pas en milieu urbain. Grâce à l’anonymat des grandes villes, avec l’instruction et la mobilité professionnelle qui l’accompagnent, les pratiques discriminatoires traditionnellement liées à la caste disparaîtraient », rappelle Madhura Swaminathan dans The Hindu. Plusieurs études publiées dans le livre démentent cette thèse. Les chercheurs ont ainsi utilisé des méthodes de « testing » : ils ont répondu pendant plus d’un an à des offres d’emploi parues dans les grands journaux anglophones en envoyant trois CV équivalents en termes de qualification et d’expérience, l’un sous un nom typique des castes supérieures hindoues, les deux autres sous des noms musulmans et dalit.
Résultat : « Pour dix candidats hindous sélectionnés pour un entretien, seulement six dalit et trois musulmans furent contactés. » Une autre expérience a été menée auprès des directeurs des ressources humaines de vingt-cinq grandes entreprises basées à New Delhi. Si tous ont assuré aux enquêteurs ne pas tenir compte de la caste, ils ont aussi exprimé la « conviction que le mérite tend à être distribué en fonction des castes et des régions ! », souligne Jishnu qui estime que de tels constats pourraient se révéler « extrêmement utiles pour les responsables politiques ». Pour Swaminathan, ils posent clairement la question de savoir s’il ne faudrait pas étendre le système des quotas aux entreprises privées.