Et Rome subjugua les Grecs
Publié dans le magazine Books n° 19, février 2011.
L’histoire romaine a longtemps été écrite en grec. L’un des premiers auteurs à avoir consacré à l’empire un ouvrage d’envergure s’appelait Polybe. C’était un homme politique de premier plan, membre éminent de la ligue Achéenne et otage à Rome de 167 à 150 av. J.-C. Il eut donc tout le loisir d’observer au plus près la nouvelle superpuissance qui venait de soumettre sa patrie.
L’histoire romaine a longtemps été écrite en grec. L’un des premiers auteurs à avoir consacré à l’empire un ouvrage d’envergure s’appelait Polybe. C’était un homme politique de premier plan, membre éminent de la ligue Achéenne et otage à Rome de 167 à 150 av. J.-C. Il eut donc tout le loisir d’observer au plus près la nouvelle superpuissance qui venait de soumettre sa patrie. « Sans lui, notre compréhension de cette période et de la dynamique de l’impérialisme romain serait considérablement appauvrie », note Denis Feeney dans le Time Literary Supplement, à l’occasion d’une réédition de l’Histoire de Polybe.
En 320 avant J.-C., Rome n’était guère qu’une cité-État belliqueuse contrôlant en grande partie le centre de l’Italie. Un siècle et demi plus tard, la Méditerranée est un lac romain, ou peu s’en faut. « Polybe se concentre sur les années clés de ce processus, du début de la deuxième guerre punique contre Hannibal, en 220 av. J.-C., à 167 av. J.-C, lorsque les Romains détruisent le royaume de Macédoine, vieux de cinq cents ans, et que le roi Persée est traîné au triomphe de son vainqueur, le général Paul Émile », rapporte Feeney. Polybe constate et tente d’expliquer la faillite de la phalange macédonienne, réputée invincible, contre la légion romaine, formation militaire moins rigide qui se révélera la plus durablement efficace de l’histoire. Il est en outre, à en croire Feeney, « le premier historien de la mondialisation et son grand souci est de montrer comment, pour la première fois dans l’histoire de la Méditerranée, toutes les parties du monde connu par les Grecs se trouvent alors interconnectées – “tissés ensemble”, telle est son expression – et ce du fait de l’expansion romaine ».