En finir avec les spectres de la Guerre d’Espagne

En Espagne, José María Pérez n’est pas exactement un inconnu : ses dessins humoristiques sont publiés chaque jour dans le quotidien El País depuis plus de quarante ans. Surnommé Peridis, il est aussi connu pour avoir présenté une série de documentaires sur l’architecture et publié des romans historiques. Un jour qu’il prenait le train, un homme l’a reconnu et l’a abordé en lui disant cette phrase, qui fait frémir tous les écrivains : « Je connais une histoire dont vous devriez faire un livre ». Montrant à Peridis ses boutons de manchettes, l’homme explique qu’ils ont appartenu à un membre de sa famille fusillé pendant la guerre civile et évoque les drames qui ont, à cette époque, déchiré les habitants d’un petit village de la province de Palencia.

Un village déchiré par la guerre civile

Peridis en fit effectivement un livre, El corazón con que vivo. « À partir de ces boutons de manchettes, Peridis raconte la tragédie de cette famille, en s’appuyant sur des témoignages, des documents fournis par les descendants et des photographies », commente Manuel Morales dans le quotidien El País. L’auteur nourrit également son récit de ses propres souvenirs d’enfance ; né en 1941, il est un enfant de la guerre. Le roman met en scène Honorio Beato et Arcadio Miranda, deux médecins installés dans un village des montagnes de Palencia. L’irruption de la guerre civile en juillet 1936 sonne le glas de leur amitié : l’un soutient les républicains, l’autre les insurgés nationalistes menés par Franco.

Le roman de la réconciliation

Le conflit coupe le village et toute l’Espagne en deux, faisant germer dans chaque famille son lot de griefs, transmis de génération en génération. Si, encore aujourd’hui, les plaies ouvertes par la Guerre d’Espagne ne sont pas refermées, Peridis questionne la possibilité d’une réconciliation. « En toute logique, les romans sur cette guerre ont longtemps été écrits du point de vue des vainqueurs ; plus tard, ils ont abordé les motivations des vaincus et leur situation. […] Mais après tout ce temps, si l’on veut que le roman ait une utilité, il faut donner la parole aux deux camps pour connaître les raisons de chacun », affirme l’auteur dans une interview accordée au magazine El Cultural.

À lire aussi dans Books : Trois nouvelles sur la guerre d’Espagne, juin 2009.

LE LIVRE
LE LIVRE

El corazón con que vivo de José María Pérez, Espasa, 2020

SUR LE MÊME THÈME

Lu d'ailleurs De l’avantage d’être un État fantôme
Médiocres milléniaux
Espionne et mère de famille  

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Bestsellers

L’homme qui faisait chanter les cellules

par Ekaterina Dvinina

Voir le sommaire