Flaubert et la gouvernante anglaise
Publié dans le magazine Books n° 26, octobre 2011.
Un exemple des problèmes posés par la vie privée des écrivains est celui de la relation entre Flaubert et la gouvernante anglaise de sa nièce Caroline : arrivée en 1855 à Croisset, deux ans avant la publication de Madame Bovary, Juliet Herbert, âgée de 25 ans, plut beaucoup à l’écrivain – à plus d’un titre. « Je me retiens dans les escaliers pour ne pas lui prendre le cul », lit-on dans sa Correspondance.
Un exemple des problèmes posés par la vie privée des écrivains est celui de la relation entre Flaubert et la gouvernante anglaise de sa nièce Caroline : arrivée en 1855 à Croisset, deux ans avant la publication de Madame Bovary, Juliet Herbert, âgée de 25 ans, plut beaucoup à l’écrivain – à plus d’un titre. « Je me retiens dans les escaliers pour ne pas lui prendre le cul », lit-on dans sa Correspondance. Elle fit la première traduction en anglais de Madame Bovary. Flaubert, qui connaissait mal l’anglais, avait qualifié ce travail de « chef-d’œuvre ». Hermia Oliver, dont le livre est paru il y a vingt ans outre-Manche, a mené un remarquable travail de détective, écrit l’écrivain Julian Barnes dans le Times Literary Supplement. Mais c’est un livre d’une grande prudence. Les maigres faits connus sont traités avec précaution. Hermia Oliver a vigoureusement protesté contre l’exploitation faite de son livre par Jacques-Louis Douchin. Dans La Vie érotique de Flaubert (1984), celui-ci la présentait comme « la “découvreuse” de la grande passion de Flaubert ». Il n’était pas question d’une grande passion, protesta-t-elle. C’était une « amitié, écrit Barnes, peut-être sexuelle, certainement professionnelle et intellectuelle, qui a duré deux décennies ». Il décèle dans cette relation l’attirance de Flaubert pour « des femmes à la vie tranquille : fidèles, célibataires… ». Témoin Félicité dans Un cœur simple, témoin encore Mlle Leroyer de Chantepie, longtemps sa correspondante, qu’il n’a jamais rencontrée. Hermia Oliver est aussi une femme de ce genre, relève Barnes, vivant discrètement dans sa maison du Surrey, où elle écrit pour un magazine de jardinage. Elle est une chercheuse amateur, ce qui a conduit à négliger son travail.