Gavroche, l’enfant politique
Publié le 16 février 2018. Par La rédaction de Books.
La jeune palestinienne Ahed Tamimi, 17 ans, accusée d’avoir agressé des soldats israéliens, comparaissait devant la justice militaire cette semaine. L’adolescente est devenue le symbole d’une lutte politique, l’engagement des plus jeunes étant toujours considéré comme exceptionnel. Au XIXe siècle, c’est un personnage littéraire, Gavroche, qui a révélé l’existence d’une conscience politique enfantine, explique l’historien Frédéric Chauvaud dans Justice et déviance à l’époque contemporaine.
Avant la publication des Misérables en 1862, enfants et adolescents prennent déjà, dans le sillage de leurs parents, part aux événements politiques de leur temps. En 1831, quand les Canuts se révoltent, les observateurs notent ainsi l’activité des enfants sur les barricades. En 1832, quand la parade funèbre du général Lamarque dérape, des enfants saisissent parfois des fusils pour suppléer au manque de combattants.
Le 25 février 1848, Victor Hugo croise en faction devant la caserne des Minimes à Paris « un garçonnet d’une quinzaine d’années, armé d’un grand fusil de la ligne ». Il n’est pas le seul modèle de chair de Gavroche. Le 4 décembre 1851, la troupe nerveuse depuis le début du coup d’Etat perd son sang froid et ouvre le feu sur les curieux et manifestants rassemblés sur les boulevards parisiens. Ils font des dizaines de morts, parmi lesquels des enfants. L’épisode a marqué Victor Hugo.
Mais l’image du garçon des barricades ne s’est véritablement fixée qu’après la Commune. Les enfants participent alors à la guerre des rues, et forment même une troupe : les Pupilles de la Commune. L’année suivante, dans le Grand Dictionnaire universel Larousse, le terme « Gavroche » est défini comme une désignation vulgaire du gamin de Paris. Deux ans plus tard, dans son onzième tome, l’article consacré aux Misérables l’associe à l’héroïsme. Le jeune combattant devenu figure littéraire s’élève au rang de mythe. Le voyage de Gavroche n’est cependant pas fini. « Plus tard, le mythe aura tendance à s’édulcorer, écrit Frédéric Chauvaud, Gavroche, deviendra le titi parisien, plus proche des enfants des rues croqués par Poulbot, que des victimes enfantines des grandes « collisions ». »
A lire aussi dans Books : La république des enfants, septembre/octobre 2017.