« La guerre éclate en Corée »


Alors que la guerre de Corée n’a jamais officiellement pris fin, Pyongyang et Séoul ont commémoré séparément jeudi 25 juin les 70 ans du début du conflit.

Le 26 juin 1950, le journal Combat barrait sa Une de ce titre : « La guerre éclate en Corée ». Restant prudent sur l’identité de l’agresseur alors que le conflit n’a que quelques heures et que les informations sont encore parcellaires, il rappelle que les deux belligérants partageaient pourtant un même but : la réunification.

À l’aube du dimanche 25 juin, les forces de la Corée du Nord (pro-soviétique) ont envahi le territoire de la Corée du Sud, dont le régime est pratiquement d’obédience américaine. Dès les premières heures du combat, l’avantage n’a cessé de s’accentuer en faveur des troupes nordistes, et, au début de l’après-midi, un porte-parole du président Sygmunh Rhee déclarait à Séoul, capitale du Sud : « La situation est désespérée ».

Cependant, la commission de l’O.N.U. pour la Corée publiait un communiqué déclarant qu’il s’agit d’« une guerre de grande envergure ». Immédiatement informé, Washington affirmait qu’il s’agissait d’une agression caractérisée et demandait la convocation immédiate du Conseil de Sécurité qui s’est réuni hier soir à 19 heures hors de la présence du délégué soviétique.

La responsabilité de l’agression incombe-t-elle entièrement aux Nordistes ? Ceux-ci ont-ils lancé une déclaration de guerre, dimanche à 1 heure du matin ?

Il est encore difficile de vérifier ces deux points. Mais on ne saurait manquer de rappeler qu’à Lake Success, M. Trygvie Lie déclarait hier : « L’agression des Nordistes est caractérisée ». Comme il fallait s’y attendre, la radio de Pyon Giang, capitale du Nord, déclarait au cours de la nuit, que l’offensive de la « République populaire » répondait à des incursions sudistes et à des provocations intolérables.

Depuis qu’en août 1945, la reddition du Japon aboutit à la division artificielle du pays, selon la ligne du 38e parallèle, mettant face à face un gouvernement d’obédience soviétique et un autre d’obédience américaine, les incidents n’ont guère cessé entre Séoul et Pyon Giang, surtout depuis le moment où en 1948 et 1949, les troupes d’occupation russes et américaines ont évacué respectivement le nord, puis le sud. En août, puis en décembre dernier, des incursions nordistes étaient signalées sur la frontière.

Depuis trois ans, en effet, les deux gouvernements réclamaient bruyamment de part et d’autre l’unification du « pays, à l’issue d’« élections générales » également qualifiées de « démocratiques ». C’est le gouvernement du Nord qui, à la suite d’une récente proclamation, semblait avoir repris l’initiative en ce domaine.

Pour relever de la sphère d’influence américaine, le gouvernement de Séoul (méridional) ne donnait guère satisfaction à Washington. Le mois dernier, au cours d’une conférence de presse, M. Dean Acheson déclarait que s’il continuait de se comporter de manière aussi peu démocratique et prolongeait la dilapidation des deniers publics, il ne devrait bientôt plus compter sur l’aide américaine. Quinze jours plus tard, les élections, pourtant organisées soigneusement par le gouvernement de Séoul, se résumaient en une cruelle défaite du parti Sygmunh Rhee et une victoire massive des « indépendants » qui ne l’étaient peut-être guère.

Enfin, voici trois jours, presque simultanément, M. Foster Dulles et le président de la « République Populaire » du Nord prenaient la parole devant, les Parlement de Séoul et de Pyon Giang.

Tandis que le dernier réclamait une nouvelle fois avec violence l’unification coréenne, « que ne saurait saboter le gang de Sygmunh Rhee », le conseiller du département d’État se contentait de promesses prudentes et recommandait à la Corée du Sud de s’« aider elle-même », ce qui provoquât, selon le New York Times, une vive déception à Séoul.

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L’affaire apparaît grave. Elle n’a pas manqué de provoquer dans toutes les capitales des réactions d’inquiétude. Après avoir déclaré hier matin qu’il n’interrompait pas son séjour dans le Missouri, le président Truman a brusquement regagné Washington dans la soirée, après une conversation téléphonique avec M. Acheson. Il est évident que révolution du conflit dépend maintenant des décisions qui seront prises à la Maison Blanche.

 

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