Guillemette Crouzet : « Le Moyen-Orient est une création de l’Inde anglaise »

L’expédition de Bonaparte en Égypte en 1798 créa un électrochoc en Inde, où les potentats britanniques furent pris de panique à l’idée de perdre le contrôle des routes maritimes. C’est de cette crainte infondée qu’est né le Moyen-Orient, conçu comme un glacis défensif.

 


© Dagli Orti / British Library

Jusqu’au XIXe siècle, le Moyen-Orient est un non-espace. Il faudra attendre les grandes campagnes de surveys pour qu’il soit cartographié. Ici, une carte de 1871, établie par un missionnaire anglican.

  Guillemette Crouzet est agrégée d’histoire. Genèses du Moyen-Orient est issu de la thèse de doctorat qu’elle a soutenue en 2014 à l’université Paris-Sorbonne. Elle a reçu le prix Sophie Barluet 2016, décerné par le CNL et un jury présidé par Books.   Dans votre ouvrage, vous développez une thèse audacieuse : le Moyen-Orient serait une création des « Indes ». Qu’entendez-vous par là ? C’est une création de l’Empire britannique des Indes, pour être exact. Le Moyen-Orient a été conçu par cet empire, au XIXe siècle, comme un glacis ­défensif sur son flanc occidental. Un espace ayant pour vocation de le prémunir contre une éventuelle invasion.   Mais les Indes étaient alors gouvernées ­depuis Londres. Pourquoi ne pas parler d’une création « britannique » à propos du Moyen-Orient ? Parce que les Indes britanniques ont eu tendance pendant tout le XIXe siècle à se comporter sinon comme un État indépendant, du moins comme une ­entité autonome, à échapper en partie au contrôle de Londres. Je m’inscris là dans une historiographie qui, depuis ...
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Genèses du Moyen Orient de Guillemette Crouzet, Champ Vallon, 2015

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