Publié dans le magazine Books n° 6, juin 2009. Par Joshua Kurlantzick.
La crise mondiale accuse les lignes de fracture de la société chinoise. Vingt millions de migrants ruraux ont perdu leur emploi. Leur usine ayant fermé, des ouvriers attaquent leur patron. Laissés à l’écart de l’expansion, les paysans expriment leur colère. Les inégalités ont atteint un niveau digne de l’Amérique latine. L’économie manque d’entreprises compétitives. Fondé sur une alliance tacite entre les classes moyennes et le régime autoritaire, l’équilibre du pays se voit fragilisé.
La révolte a éclaté en décembre 2008 dans le sillage d’un simple conflit salarial dans une petite usine fabriquant des valises bon marché. À la suite d’une forte chute des commandes, l’entreprise ferma du jour au lendemain sans payer les salaires des ouvriers. Ceux-ci se mirent à démolir l’usine avant de se retourner vers ses dirigeants. La police arriva sur les lieux et tenta de contenir les salariés en les enfermant dans l’enceinte de l’établissement, tandis que les dirigeants leur proposaient un marché : ils pourraient récupérer une partie de leurs arriérés s’ils s’engageaient à quitter la ville. Cette stratégie échoua. Selon un compte rendu du
Washington Post, une centaine d’ouvriers s’attaquèrent au barrage policier aux cris de : « Les droits de l’homme n’existent pas ici ! »
Pour des observateurs extérieurs qui auraient tendance à voir la Chine comme un État répressif, un tel mouvement de protestation peut sembler surprenant. Mais, plus surprenant encore, l’émeute avait lieu à Dongguan, une grande ville du delta de la rivière des Perles, le cœur industriel du sud du pays. Uni par de forts ...