Inde – Portrait d’un irréductible
Publié dans le magazine Books n° 27, novembre 2011.
Dharmesh Shah est un promoteur immobilier sans scrupule qui n’a d’autre idéal que l’enrichissement personnel. Quand il entreprend de racheter la Tour A du complexe immobilier Vishram, copropriété paisible mais délabrée de Bombay, pour en faire des appartements de luxe, il pense mener l’affaire rondement. C’est compter sans l’opposition de Yogesh Murti, « un enseignant à la retraite du troisième étage, qui se révèle un héros improbable, le dernier rempart contre la modernité et la corruption qui l’accompagne », écrit Gaurav Jain dans Tehelka…
Dharmesh Shah est un promoteur immobilier sans scrupule qui n’a d’autre idéal que l’enrichissement personnel. Quand il entreprend de racheter la Tour A du complexe immobilier Vishram, copropriété paisible mais délabrée de Bombay, pour en faire des appartements de luxe, il pense mener l’affaire rondement. C’est compter sans l’opposition de Yogesh Murti, « un enseignant à la retraite du troisième étage, qui se révèle un héros improbable, le dernier rempart contre la modernité et la corruption qui l’accompagne », écrit Gaurav Jain dans Tehelka. Fortement attaché au logement où il a vécu avec sa femme et sa fille, toutes deux décédées, il décline toute proposition de rachat. Les autres résidents voient dans l’offre un moyen d’améliorer rapidement leurs conditions de vie.
Après le triomphe mondial de son premier roman, Le Tigre blanc, Aravind Adiga explore à nouveau avec Last Man in Tower la face sombre du miracle indien, et s’attire derechef un grand succès populaire. À partir d’une affaire immobilière comme on en lit souvent dans les pages des journaux depuis quelques années, l’histoire révèle les tensions profondes qui traversent la société. Shah incarne « une Inde moralement prête à tout pour prendre une longueur d’avance », résume Rajiv Arora dans le Hindustan Times.
Catalyseur
Mais le livre n’est pas une condamnation naïve du processus de modernisation. « Le regard porté sur la corruption est ici plus subtil que dans Le Tigre blanc », estime Alex Clark dans le Guardian britannique. Il n’y a, dans ce roman, ni héros véritable, ni anti-héros. L’ambition de Shah bouleverse les structures sociales indiennes, certes traditionnelles, mais iniques, explique le critique littéraire anglais. En ce sens, son énergie débordante et sa pugnacité à réussir en dépit de ses origines modestes peuvent être interprétées comme « le catalyseur nécessaire au changement ». Murti, pour sa part, semble « incapable d’empathie avec les autres résidents » et « son austérité intransigeante confine parfois au narcissisme ».
Ce qui ressort de la prose d’Adiga, c’est avant tout son affection pour ses personnages et pour Bombay. La société indienne qu’il dépeint offre une riche « palette de visions et de vécus », conclut James Purdon dans The Observer. On y croise aussi bien un propriétaire de cybercafé en situation précaire qu’une petite secrétaire cupide, ou la mère d’un enfant atteint de trisomie 21.