Samuel Pozzi, l’insaisissable « docteur Dieu »
Publié le 3 décembre 2019. Par Amandine Meunier.
Quand le romancier britannique Julian Barnes a découvert l’étonnant portrait du Dr Samuel Pozzi peint en 1881 par John Singer Sargent, il a été surpris de n’avoir jamais rien lu sur ce personnage aux mains délicates et à la magnifique robe de chambre rouge. Ce chirurgien français (1846-1918), pionnier de la gynécologie, est naturellement devenu le héros de son nouveau livre.
« Pozzi est un excellent sujet, parce qu’il est à la fois limpide et énigmatique, et parce que, même s’il est évoqué dans de nombreux Mémoires, correspondances et articles de presse de l’époque, son personnage reste suffisamment inaccessible pour que Barnes puisse prendre plaisir à l’imaginer », souligne son confrère Patrick McGuinness dans la Literary Review.
Pionnier de la gynécologie
Pozzi, ami du Tout-Paris, amant de Sarah Bernhardt (qui s’en était remise à lui pour se faire retirer un kyste ovarien et le surnommait « docteur Dieu »), était le fils d’un pasteur protestant. Étudiant brillant, il devient un chirurgien remarqué, d’autant qu’il n’hésite pas à aller apprendre les techniques nouvelles à l’étranger. Il introduit ainsi en France les principes de l’antisepsie de l’anglais Joseph Lister. Il inaugure la première chaire consacrée à la gynécologie à la faculté de médecine de Paris en 1911. À une époque où les médecins soignent les troubles nerveux de leurs patientes en leur retirant les ovaires, lui n’est pas un fou du scalpel, et appelle à ce que la chirurgie ne soit utilisée qu’en dernier ressort. Il travaille essentiellement dans des hôpitaux publics.
La face sombre du brillant chirurgien
« Le personnage peut-être le plus fascinant de ce livre est celui de sa brillante fille, Catherine Pozzi », estime McGuinness. « Dans son journal, elle offre un contrepoint sombre à l’apparence lumineuse de la vie de Pozzi, décrivant impitoyablement ses parents malheureux en ménage et les dégâts qu’ils infligent à leurs enfants. » Et c’est là le vrai sujet du livre, « l’impossibilité de connaître les autres », assure le romancier australien John Carey dans The Times. Il retient cette phrase de Barnes : « “On ne peut ne pas savoir” est l’une des formules les plus fortes dans le langage des biographes ».
À lire aussi dans Books : Putain d’actrice!, décembre 2011-janvier 2012.