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La « Kodak girl », pionnière d’Instagram


Le prix Queen Elizabeth, la plus importante récompense internationale d’ingénierie, a été décerné aux inventeurs de l’appareil photo numérique. L’un des lauréats en a profité pour regretter, non sans humour, la mode des selfies et des prises de vue compulsives. A l’origine pourtant, cette manie de tout vouloir enregistrer, du pique-nique à la plage à la nouvelle grimace du petit dernier, a été encouragée par les fabricants d’appareils photos eux-mêmes, au premier rang desquels Kodak aidé de ses « Kodak girls ».

A la fin des années 1880, dans ses publicités, le leader du marché joue sur l’image de la femme et la valeur de la photo, souligne Nancy Martha West dans Kodak and the Lens of Nostalgia. L’image photographique était déjà entrée dans bien des familles. Mais elle était encore l’affaire du spécialiste, le photographe, et l’un des clichés les plus communs restait le portrait post-mortem. Pour vendre ses appareils grand public, Kodak a besoin de rendre la photo attirante et positivement nostalgique. La firme cible alors les femmes.

Dans ses campagnes publicitaires, c’est toujours une femme qui tient l’appareil, la « Kodak girl ». L’image d’une fille jeune est alors synonyme de simplicité d’utilisation. « Vous appuyez sur le bouton, nous faisons le reste », dit d’ailleurs la compagnie dans ses publicités. La « Kodak girl » permet aussi d’insister sur le côté ludique du produit. D’affiche en affiche est développée sa vie d’aventurière, à la plage, à la montagne, sur un paquebot… Toujours avec son « Kodak » dans les mains.

Au tournant du XXe siècle, la « Kodak girl » rentre progressivement à la maison. Le nouveau message du fabricant : si les femmes veulent être des épouses et des mères responsables, elles doivent archiver tous les moments précieux de la vie de leur famille (anniversaires, premiers pas des enfants, sorties…). La « Kodak girl » jouera ainsi son rôle de chroniqueuse domestique jusque dans les années 1960. Son influence s’essouffle ensuite. Et dans les années 1980, elle n’est plus qu’une silhouette cartonnée grandeur nature rappelant au futur vacancier d’acheter des pellicules.

En savoir plus : Les nabis, aventuriers du Kodak, Books, juin 2012.

LE LIVRE
LE LIVRE

Kodak and the Lens of Nostalgia de Nancy Martha West, The University of Virginia Press, 2000

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