L’Afrique n’est pas vouée à la corruption

L’Afrique est devenue le continent déprimant par excellence, invariablement synonyme de corruption, de tribalisme et de violences atroces, dictées par une sorte de malédiction culturelle : « Que voulez-vous ? C’est l’Afrique ! » Ce fatalisme mâtiné d’indifférence indigne la journaliste Michela Wrong. Dans un livre que juge remarquable l’historien Bernard Porter, elle part en guerre contre les stéréotypes qui emprisonnent le continent dans des logiques politiques toxiques. Les maux imputés à une soi-disant « culture africaine » ne sont pas spécifiques de ce continent. L’Afrique n’est pas plus que les autres vouée au pire. Encore faut-il en finir avec un anti-impérialisme de pacotille, prompt à faire de la « tradition » l’alibi du mauvais gouvernement. C’est bien l’intention d’une nouvelle génération d’Africains, au premier rang desquels le héros du livre, John Githongo. Cet ancien dirigeant kenyan a payé au prix fort son acharnement à dénoncer la corruption de son propre camp. Il est la preuve vivante qu’une autre Afrique est possible.

On ne peut pas impunément envahir un autre pays que le sien, lui donner des frontières parfaitement arbitraires, décider de le gouverner avec le minimum de ressources, installer une population étrangère sur ses meilleures terres, faire taire toute résistance, puis déguerpir avant de l’avoir convenablement préparé à l’autonomie… et s’imaginer que tout ira bien, avec la meilleure volonté du monde. Cela ne s’est sans doute jamais vu dans l’histoire de l’humanité. Cela ne s’est assurément pas vu au Zimbabwe, pays dont la Grande-Bretagne s’est toujours, peu ou prou, lavé les mains. Le Kenya, en revanche, a d’abord semblé démentir la règle. Pour commencer, les colons y étaient moins nombreux et plus écervelés, et la politique officielle britannique – arrachée de haute lutte par les gouvernements travaillistes et les impérialistes plus libéraux du ministère des Colonies – avait institué la doctrine de la « primauté indigène », accordant la préséance aux revendications des Africains sur les revendications des Européens ou des Asiatiques. Au final, pourtant, cela n’a pas suffi à éviter l’une des guerres de libération ...
LE LIVRE
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C’est notre tour de manger. Histoire d’un dénonciateur kenyan de L’Afrique n’est pas vouée à la corruption, Fourth Estate, non traduit en français.

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