Le scandaleux biographe de Kohl

Un ancien porte-plume du chancelier allemand publie, sans son consentement, les propos confidentiels et corrosifs qu’il lui a tenus. Notamment contre l’actuelle chancelière.

« Sans doute le livre le plus polémique de l’année », estime le tabloïd Bild. Un premier tirage à 100 000 exemplaires, très vite écoulé, des bonnes feuilles qui font la couverture du Spiegel et dont les passages les plus savoureux ont été repris par toute la presse, des myriades d’articles qui se demandent s’il fallait ou non publier l’ouvrage, un tribunal qui doit trancher la même question... Avec « Le legs. Le procès-verbal Kohl », Heribert Schwan, vieux routier du journalisme, a enflammé la scène politico-médiatique allemande en rapportant les propos parfois assassins tenus en privé par l’ancien chancelier Helmut Kohl, notamment au sujet des leaders de sa propre famille politique.

Angela Merkel, apprend-on, ne sait pas « se servir d’un couteau et d’une fourchette », n’a jamais d’idée et manque de caractère ; Christian Wulff, chef de la CDU en Basse-Saxe dans les années 1990, puis président de la République fédérale de 2010 à 2012, est traité à la fois de « traître » et de « nul » ; d’autres sont qualifiés pêle-mêle de « vieille peau », « fou » ou « monsieur je sais tout ». Schwan a bien connu Kohl puisqu’il fut son nègre pour la rédaction des trois premiers volumes de son autobiographie. Les deux hommes se sont retrouvés entre mars 2001 et octobre 2002 à 105 reprises chez l’ancien chancelier.

« Le résultat : 200 cassettes, 630 heures d’enregistrements », résume Jakob Augstein dans le Spiegel. La période n’était pas facile pour l’ancien chancelier, qui avait bien des raisons d’être amer : impliqué dans le scandale des caisses noires de la CDU, il voyait la jeune garde de son parti prendre ses distances avec lui, et, le 5 juillet 2001, son épouse se suicidait.

Mais en 2009, en pleine rédaction du quatrième volume de l’autobiographie, il congédie Schwan (lequel accuse sa nouvelle épouse, de plus de trente ans sa cadette, et qu’il surnomme « la future veuve Kohl », d’être à l’origine de cette décision). « Le legs » est-il une façon de se venger ? C’est ce que pensent nombre de ses confrères. Depuis quelques mois, la bataille judiciaire fait rage. En août dernier, Kohl (désormais pratiquement aphasique) a obtenu qu’on lui restitue les enregistrements, mais Schwan a gardé des copies et des retranscriptions et, en octobre, c’est Kohl qui a été débouté quand il a voulu interdire la parution du livre. Nouveau retournement quelques semaines plus tard : le tribunal de Cologne a estimé qu’une bonne partie des citations du livre devaient être supprimées. En attendant, plus de 200 000 exemplaires ont déjà été vendus et l’éditeur a fait appel.

LE LIVRE
LE LIVRE

Le legs. Le procès-verbal Kohl de Le scandaleux biographe de Kohl, Heyne Verlag, 2014

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