Paludisme, pot-pourri

Le paludisme affecte des centaines de millions de personnes dans le monde et peut préoccuper les touristes qui se rendent dans les régions tropicales. Interroger Google ou Yahoo avec ce seul mot conduit, en premier lien, à l’article de Wikipédia.
C’est un texte  long, quarante-trois pages dans la version du 19 novembre 2008. Presque un Que sais-je?, avec une table des matières détaillée en pages 2 et 3. La première phrase de la page introductive dit ceci: le paludisme « appelé aussi malaria (de l'italien mal'aria, mauvais air) est une parasitose due à un protozoaire transmis par la piqûre d'un moustique femelle, l'anophèle »... Diable : si l’anophèle est un moustique femelle, quel est donc le nom du moustique mâle ?  Il aurait fallu écrire : la femelle d’un moustique, l’anophèle. Le flou s’accentue quelques lignes plus loin : « Auparavant, c'était le mauvais air (male aria en italien) émanant des marécages qui était incriminé ». De mal’aria, nous voici passés à male aria. Y a-t-il Italien dans la salle ? Et quelle est l’origine du mot « paludisme » ? Dans une édition  à peine antérieure du même article, en octobre 2008, il était fait référence à la rivière Palud, en Charente-Maritime. Que venait faire ici cette malheureuse rivière ?     


Le texte principal, le corps du délit, se veut une présentation scientifique mise à jour de cet immense sujet. C’est un curieux fatras.  Beaucoup de données justes et d’excellentes références se mêlent à de multiples anomalies de forme et de fond.  
Exemple d’anomalies de forme:  “La drépanocytose (du grec drepanos "faucille" en regard avec[sic] la forme allongée qu'ont un certain nombre d'hématies) aussi appelée hémoglobinose S, sicklémie, ou anémie falciforme: une modification dans la chaîne ß de l'hémoglobine entraîne une déformation des globules rouges, ce qui produit des hétérozygotes qui protègent mieux contre le paludisme. Les hématies sont déformées et l'hémoglobine cristalise [sic], ce qui empêche le parasite de rentrer dans le globule rouge (ou hématie) ». Il faut donc  attendre la fin de la phrase pour comprendre que les mots « globule rouge » et « hématie » sont synonymes. Quelques paragraphes plus loin, on lit « les sujets dont les érythrocytes sont dépourvus de certains antigènes… ». Mais là, le lecteur n’est pas prévenu que le mot « érythrocyte » est aussi un synonyme de « globule rouge », et que c’est le mot savant normalement utilisé.


Parfois une anomalie de forme s’accompagne d’une anomalie de fond. Ainsi : “La Chloroquine (Resochine) est un inhibiteur de la biocrystalisation des pigments ». Le mot « biocrystalisation » comporte deux fautes d’orthographe d’un coup (il faut écrire : « biocristallisation »). Surtout, la phrase, qui n’est pas éclairée par le texte qui l’entoure, est absolument incompréhensible pour un lecteur non spécialiste.  
On trouve aussi cette perle : « Les premières cultures continues de stades sanguins du parasite sont établies en 1976 par Trager et Jensen, dans des jarres à bougies, ce qui facilite considérablement le développement de nouveaux médicaments ». Des jarres à bougies, vraiment ? C’est incompréhensible, même pour le spécialiste.
Au passage, le lecteur sera charmé d’apprendre que : « Même si William Shakespeare est né au début d'une période plus froide appelée le « petit âge glaciaire », il connaissait suffisamment les ravages de cette maladie pour les citer dans huit de ses pièces. »


Bien sûr, le politiquement correct pointe le bout de l’oreille, l’expression « chez l’homme » devenant le plus souvent «chez  l’humain ».
L’article entier semble être une compilation faite par deux autodidactes, qui se sont maladroitement inspirés de la version anglaise de Wikipédia, comme il est précisé d’ailleurs, de manière assez comique, à la fin de ce pot-pourri de quarante-trois pages : « Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Malaria ».  Que peut vouloir dire : « partiellement ou en totalité » ?   


=> Pour comparer : lire les articles des encyclopédies Universalis et Britannica sur la malaria

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C’est (vraiment ? ) moi qui décide de Dan Ariely, Flammarion, 2008

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